Kerouil

« Kerrouill » (1426, Réformation) ; « Kerouill » (1468, 1 E 244) ; « Kerouyll » (1468, 1 E 244) (1) ; « Kerouill » (1538, ADLA : B2022) ; « Keroill » (1538, A85) ; « Kerouil » (1540, A85) ; « Keril » (1540, A85) ; « Keryouil » (1541, ADLA : B 2022) ; « Kerouyl » (1550, A85) ; « Kerouil » (1653, A85) ; « Kerouil huelaff » et « Kerouil iselaff » (1712, 4E205 17) ; « Kerouil » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Liors Kerouil » (1843, 4E 205 382) ; « Kerouille » (1884, 2O1C98 : conseil municipal de Penmarc’h) ; « Kérouill » (1888, Manuscrit du recteur Le Coz)

Le déterminant qui suit ker pourrait être le mot gouilh qui signifie larron (2) ou bien rouilh mot de signification indéterminée qui existe ailleurs en Bretagne comme patronyme ou comme toponyme (3).

Pour Robert Gouzien, Kerouil serait le hameau du rouleau = ruilh. Il pense que ce nom est lié à l’industrie du sel : le rouleau sert à l’égrenage du gros sel (4).

Comme la plupart des noms de villages commençant par Ker, Kerouil date de la période 1150-1300. Dès sa fondation, Kerouil se tourne résolument vers la mer : marais salants peut-être, sécheries de poisson certainement et comme pour tous les autres villages de Saint-Guénolé pêche pour tous les hommes (5).

Il constitue le plus important village de Saint-Guénolé. Mais peut-on vraiment parler d’un village ? Il s’agit plutôt de constructions éparpillées qui, par commodité, sont désignées par un même nom. Il préfigure déjà l’urbanisation anarchique que générera l’industrialisation de la fin du XIXe et du XXe. Kerouil jouit d’un statut dominant par rapport aux autres, Kergarien mis à part : au XVIe un document fait état d’une quasi annexion de Kervédal par Kerouil ! : « L’estage et tenement d’herittage et toutes ses issues et apartenances que tient Noël Le Hasnec au village de Kerouyl conten[an]t environ 17 seillons scittuée au champs apellé Kerguedel (6).» Au XIX e encore, la mairie de Penmarc’h précise que les communs de Kerouil s’étendent « du corps de garde et du chemin de Ru-lan » jusqu’au « cours d’eau qui se jette dans l’anse de Pors-Carn (7) »

Les seigneurs de Kerbleustre et de Lestiala perçoivent conjointement une chefrente sur une propriété à Kerouil ; ils prélèvent également 5 livres de chefrentes annuelles sur « les sécheries du dit village (8). » 

Le village est construit sur une légère pente entre le Menez et le marais de Kerouil. Ce secteur est occupé au moins depuis l’Antiquité : un vase gallo-romain y a été découvert (9). Il se situe sur la voie qui mène de Kergarien au port de Saint-Guénolé en contournant le marais par le nord. Cette voie croise un axe sud – nord venant du marais et menant aux rochers de Menez Kerouil. D’autres voies partant du nord du hameau permettent d’accéder à Kervédal et Kervilon et de manière indirecte au Layou et à Pors Carn. Au Moyen âge, l’implantation primitive de Kerouil se situe probablement près du carrefour de la Croix (altitude 6,50 m.). Un lieu de culte, probablement dédié à saint Quirin, était implanté près de ce carrefour au Moyen Age.

Le carrefour de la Croix en 1920. Photo Georges Chevalier, Fondation Albert Kahn

Un second centre se serait constitué au nord, au niveau du manoir de Kerouil (altitude 9m.), prolongé à l’ouest par le hameau de Rulan. Perpendiculaire à cet axe, un autre sentier part de Rulan et rejoint la rue Lucien-Larnicol, ce sentier qui plus tard sera baptisé « Impasse de Rulan » est prolongé de l’autre côté de la rue par une limite morphogène. Il peut s’agir d’un sentier abandonné qui menait de Rulan au Loc’h Kerouil ou alors du bord occidental du premier terroir de Kerouil.

Le manoir de Kerouil est qualifié de lieu noble appartenant à Alain de Kerdégace lors de la Réformation de 1426 (10). Comme les manoirs construits avant 1350 possédaient obligatoirement un étang, un moulin à eau et un colombier, ce qui n’est pas le cas ici, on peut donc estimer que le manoir de Kerouil a été construit entre 1350 et 1426. Ce manoir, encore visible aujourd’hui bien que foncièrement transformé, avait pour particularité de posséder un souterrain. Selon la légende il reliait Kerouil à Kerbervet. Il s’agit plus simplement d’une cachette maçonnée datant vraisemblablement de la fin du Moyen Age ou du début de l’époque moderne. Ce type de cachette se retrouve le long du littoral de l’extrême ouest de la Bretagne dans certains manoirs, grandes exploitations agricoles ou chapelles. On en a découvert un à Languivoa en 1973 (11). En 1776 le domanier du manoir, Hervé Mariel, utilisa la cachette pour entreposer le matériel pillé sur un navire naufragé à Saint-Guénolé (12). Une femme âgée du quartier affirmait dans les années 1940 avoir visité le souterrain avec des amies vers 1870 : la bougie qui servait à les éclairer s’étant éteinte elles furent contraintes de rebrousser chemin.

Le manoir qui possédait un étage a été en partie démoli au début du XXe siècle. Les pierres ont été achetées par un fermier voisin pour consolider sa maison ; elles sont encore visibles rue Michel le Gars, côté est de la voie, à proximité de la jonction avec la rue Marcel Sembat. Le puits du manoir, très ouvragé, a également été détruit. C’était le puits le plus profond de Saint-Guénolé.

Kerouil vers 1830 (extrait du plan cadastral)

En 1833 Kerouil comptait 29 masures en ruine et 16 maisons. Le village, déjà très étendu,  se développa encore à partir de la fin du XIXe. L’explosion démographique qui révolutionna Saint-Guénolé se manifesta en effet le plus nettement ici, les petites maisons de pêcheurs grignotant à partir des années 1880 les communaux du Menez. C’est également à Kerouil et sur le Menez que s’installèrent une partie des conserveries, tandis que débits de boissons et autres commerces s’implantèrent rue Lucien-Larnicol. La partie ouest de cette rue constitua pendant plus d’un siècle avec la rue du Port et la rue Lucien Le Lay le centre vital de Saint-Guénolé : « le Nénes ».

Le quartier souffrit longtemps de mauvaises conditions d’hygiène dues à la présence d’usines polluantes et au manque de véritable voirie. En 1892, les habitants adressèrent une plainte au Préfet à propos de l’état déplorable de la route entre Kerouil et le port. En particulier devant les usines Amieux et Artaud où les eaux stagnaient, dégageant une odeur nauséabonde. Ils affirmaient même que ces mares étaient la cause de l’épidémie de typhoïde qui avait frappé Saint-Guénolé pendant l’hiver 1891-1892 (13).

Le chemin qui desservait les habitations du cœur ancien de Kerouil, entre la croix et le Menez, fut transformé en route par délibération du Conseil municipal du 7 avril 1927 (14). Elle deviendra plus tard la Rue Michel-Le Gars. La partie est de Kerouil se dota également de nombreux commerces : épicerie, boulangerie, boucherie, textiles, restaurant, bars …. formant un réseau actif encore jusqu’aux années 1970. Le village de Kerouil, peu structuré dès l’origine, est devenu tentaculaire au XXe (toute proportion gardée bien entendu) et s’est complètement dissous dans  l’agglomération de Saint-Guénolé.

Le secteur de Kerouil comprend les parcelles répertoriées sous les articles suivants : AdreonAodClosColinCorn, Corps de garde, Créeguen, FeunteunFornGorrequerHentIfernIlisIvinKeralvenKerronantLeurLostLuzernMaoMoanNen,PoulbrielPoullenPunsQuéréRuguelenSalStouicToullecToulquerTraon et Ty anné.

(1) Aveu retranscrit in Torchet, Hervé .- Penmarc’h au Moyen Age.

(2) Deshayes, Albert .- Dictionnaire des noms de lieux…

(3) site KerOfis

(4) Gouzien, Robert .- Le Pays bigouden, un pays de cocagne…

(5) Archives départementales de Loire-Atlantique, B 3003 (retrancription par Alain Torchet, site La Pérenne)

(6) Archives départementales du Finistère, A85 F°281 (Kerguedel pour Kervédal).

(7) Archives départementales du Finistère, 15 U 22 59 (en 1881)

(8) Archives départementales du Finistère, 60J34

(9)Mouez Penmarc’h n°98

(10) Torchet, Hervé .- Réformation des fouages de 1426 …

(11) Sanquer, René .- Archéologie antique et médiévale : Plonéour-Lanvern, Languivoa …

(12) Archives départementales du Finistère, B4476

(13) Archives départementales du Finistère, 3O703. La typhoïde était présente en Pays Bigouden cet hiver là, mais elle toucha essentiellement L’Ile Tudy ; en fait, à Penmarc’h c’est la rougeole et le croup qui sévirent, emportant 33 enfants de moins de 5 ans.

(14) Archives départementales du Finistère, 3O702

 
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