Meil, [meilh] vient du latin « molina » et signifie moulin.
Les moulins à vent s’implantèrent en Bretagne à partir du XIVe, surtout à l’est et dans l’extrême ouest, îles et presqu’îles (1). Ils furent naturellement localisés dans les zones recevant beaucoup de vent, mais pas toujours là où les conditions étaient optimales, car d’autres éléments déterminaient leur implantation : le terrain devait si possible être de peu de valeur agricole – c’était souvent une lande – et nécessitait d’être à proximité d’un chemin.
Ces moulins furent édifiés par les seigneurs locaux : ils étaient les seuls à pouvoir financer leur construction et leur entretien (2). L’usage des moulins était obligatoire et soumis à des taxes nommées banalités : d’où le nom « moulins banaux ». Ces taxes étaient encore en vigueur dans la paroisse de Beuzec Cap Caval au moment de la Révolution, car leur suppression figure en bonne place parmi les revendications des paroissiens.
Si les moulins de Saint-Guénolé ont tous disparu, il reste encore quelques ruines sur le reste de la commune de Penmarc’h et surtout des photos anciennes qui nous permettent d’imaginer à quoi ils ressemblaient.
De nombreux toponymes de Saint-Guénolé font référence à un moulin à vent. Même si certains sont hypothétiques et si d’autres apparaissent peut-être deux fois sous des noms différents, on peut penser qu’il existait jusqu’en 1600 entre huit et douze moulins à vent à Saint-Guénolé, plus un moulin à eau. Ils étaient pour beaucoup situés le long de l’axe formé par l’actuelle route de Kervédal. Certains figurent sur la carte des Ingénieurs géographes de 1780 ou sur le cadastre de 1833 ce qui rend leur localisation plus aisée, mais la plupart avaient déjà disparu à ces dates.
Voici les huit moulins que j’ai pu localiser avec suffisamment de précision. Certains font l’objet d’un article à part entière (il suffit de cliquer sur leur nom).
Poulbriel
D’après la carte dite des Ingénieurs géographes il devait se situer à Poulbriel au sud-ouest du parking actuel. Déjà en ruine en 1780, son nom ne nous est pas parvenu.
Meil ar Sant
le long de cet axe formé par le chemin menant à Kervédal, le moulin à vent qui se trouvait le plus à l’ouest était Meil ar Sant. Encore exploité en 1871, il se situait à l’angle de la route de Kervédal et de la rue des Fusains.
Meil Furic
Meil Furic se trouvait entre l’actuelle rue Hyacinthe Moguérou et le village de Kerbervet, il était accessible par l’ancien chemin reliant Kerouil à Kerbervet. Au XIXe s. il était appelé Meil Bouloc’h. Les ruines restaient visibles en 1871 (3)
Dolven
Le nom de ce moulin ne nous est pas parvenu. On sait simplement qu’il se trouvait sur la parcelle du Dolven, vers l’entrée nord de la rue Molière et qu’il était déjà ruiné au milieu du XVIIIe. Il faisait 40,5 pieds de circonférence (soit une douzaine de mètres), les pierres qui subsistaient furent estimées à 18 livres en 1749 (4).
Meil ar Moal
Meil ar Moal se trouvait tout près du précédent, au bord de la Route de Kervédal côté sud, entre l’intersection de la Rue Molière et celle de l’Impasse de Kerbervet.
Meil Mavic
Meil Mavic, était plus à l’est, le long du bord sud de la route de Kervédal, dans l’axe du mur ouest du cimetière actuel. Il était encore visible en 1871 : un terrain concerné par un congément est situé par le juge de paix « au nord de la ruine du moulin Meil Mavic » (5)
Tour carrée
Près de la Tour carrée, un moulin dont on ignore le nom, se trouvait le long du côté ouest de la rue de Pouloupry. Il était ruiné à la fin du XVIIIe
Meil Nalhen
Meil Nalhen, également en ruine à la fin du XVIIIe, se situait près de l’actuelle intersection entre la route de Kervilon et la rue des Primevères. Il ne sera définitivement démoli qu’en 1885.
Quelques autres noms de moulins apparaissent encore dans les archives, comme Meil Mandic à Kergarien, Meil ar Stang à Mesguen, Meil Brerou ou encore le moulin de la famille de Jean Le Bescond qui en 1628 devait une chefrente au seigneur de Kerdégace pour sa maison, ses terres et son moulin (6), sans oublier la parcelle du Viben nommée Corn ar Meil (7). Il est difficile d’en savoir plus sur ces moulins. Certains font peut-être partie des moulins que j’ai situé sur la carte ; en effet, plusieurs parmi les huit n’ont pas de nom, d’autres ont pu changer d’appellation au cours des siècles.
La toponymie nous donne aussi des pistes : le toponyme Ruvelven par exemple pourrait se rapporter à un moulin.
Dans un paysage uniformément plat comme Saint-Guénolé, les moulins constituaient un repère idéal pour localiser et nommer les parcelles. Ainsi on trouve à Kerbervet des terres appelées :
« Creis tre an diou veil », « Etre an diou veil », « Mezou an diou veil » (1833, 3P159 3, cadastre) Toponymes de Kerbervet.
Creis tre an diou veil signifie Au milieu de l’entre-deux moulins, Etre an diou veil c’est Entre les deux moulins et Mezou an diou veil veut dire Les méjous des deux moulins. Les deux moulins en question étaient Meil ar Furic et Meil ar Moal. A la fin du XIXe le souvenir des deux moulins s’était déjà effacé de la mémoire collective : « Creis tre an diou veil » devint « Creis tre ar veil » (1886, 60J109).
Ces moulins à vent ont-ils tous fonctionné pendant la même période ? Rien ne le prouve. En tout cas, au XVIIIe, ils étaient pour la plupart ruinés, et ceci probablement depuis longtemps : Ogée n’en comptait plus qu’un seul vers 1780 (8). Quoiqu’il en soit, leur présence en si grand nombre sur cette petite superficie, conforte l’idée que Saint-Guénolé était densément peuplé à la fin du Moyen Age et à la Renaissance.
Voir aussi le moulin à eau : Meil dour.
(1) Gautier, Marcel .- Un type d’habitation rurale à fonction industrielle : les moulins de Bretagne et de Vendée .- Norois, 1969, n°63 .- Pp 387-414 : ill.
(2) Une meule coûtait le prix de deux chevaux et le bénéfice qu’en tirait le seigneur n’était pas toujours intéressant. En Bretagne, de nombreux moulins furent abandonnés dès la fin du XVe.
(3) Archives départementales du Finistère, 53 U 5 89
(4) Archives départementales du Finistère, B 472
(5) Archives départementales du Finistère, 53 U 5 89
(6) Archives départementales du Finistère, A85 F°214 verso
(7) Archives départementales du Finistère, 3 P 159 9. Ce toponyme ne figure pas sur le cadastre de 1833, mais il apparaît au cadastre en 1940 pour situer une nouvelle construction.
(8) Ogée, Jean-Baptiste .- Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne .- Nantes, 1778-1780 .- 4 vol.