« Kerbervez » (1517, A85) ; « Kerbervet » (1536, Réformation) ; « Kerberves » (1540, A85) ; « Kerbernen » (1541, A85) ; « Kerbervez » (1541, AD 44, B2030) ; « Kerbernez » (1541, A85) ; « Kerbernes » (1644, A85) ; « Clos Kerbervet » (1701, 4E205 6) ; « Tenue noble de Kerbervez » (1728, 4E214 199) (1) ; « Parc bras cloz Kerbervez » (1728, 4E214 199) ; « Corn Kerbervé » (1749, B472) ; « Meziou Kerbervé » (1754, 60J31) ; « Clos Kerbervé » (1754, 60J31) ; « Clos Kerbervez » (1830, 60J30) ; « Liors Kerbervet » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Parc Kerbervé » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Kerbervet » (2000, carte IGN 0519OT)
Origine du nom
Ker signifie hameau, lieu habité, Bervet peut se traduire par « bouilli ». Mais selon Albert Deshayes, ce deuxième composant serait plutôt soit le nom d’homme Pervez, issu du vieux-breton Perfeith, « parfait », lui-même du latin Perfectus, « accompli » ; ou bien le vieux-breton Permed, « milieu », identique au gallois Perffed. Notons que le patronyme Pervez existe à Saint-Guénolé début XVIe avec une graphie légèrement perturbée : « Dessus le lieu et terres à guillaume Lepermez au dit lieu de Kervedal » (2). Ce nom est encore porté en Pays bigouden au XVIIIe. Notons aussi, pour étayer cette fois la seconde hypothèse d’Albert Deshayes, que Kerbervet occupe une place centrale au milieu des méjous, à mi-chemin entre Kerouil et Kervédal. Une toute autre hypothèse m’est apparue à la lecture du livre de Francis Favereau, Celticismes (3). Bervet pourrait venir de bormo, terme celtique à l’origine du mot français bourbe. Comme autrefois Kerbervet était à deux pas de la boue épaisse des marais de Loch Yan et de Loch Cleil, cette piste n’est pas à exclure. Signalons aussi que Bormo est à l’origine du patronyme Bervet, « bouilli ».
Le manoir de Kerbervet
Comme la plupart des noms en Ker, le village de Kerbervet date de la période 1150-1300. Kerbervet possédait un manoir, mais tous les manoirs construits avant 1350 étaient dotés d’un moulin, d’un étang et d’un colombier ce qui n’est pas le cas ici. Le manoir de Kerbervet a donc été construit après cette période, probablement au moment de la prospérité maritime du Cap Caval. « Les seigneurs étaient si riches que selon la tradition, ils tapissaient en soie et en velours le parcours des processions (…) depuis leur manoir jusqu’à l’église de Saint-Guénolé. Leur fortune provenait du commerce de viande de carême, c’est-à-dire des maquereaux, merlus, morues et autres poissons (4). » S’appuyant sur le port de Pors Carn, Kerbervet était sans doute un des pourvoyeurs de marins du territoire, mais pas le seul, car lors du dénombrement des foyers fiscaux de Cornouaille en 1395, il est noté que tous les chefs de famille de Saint-Guénolé sont des « poissonniers », c’est à dire des pêcheurs (5).
Jacques Lamprat était sieur de Kerbervet en 1536 (6). Cette famille Lamprat, originaire de Plounévézel, bien implantée dans le Cap Caval aux XVe et XVIe s, est peut-être aussi à l’origine du manoir de Pors Lambert à Tréoultré.
Au milieu du XVIIe le manoir appartenait avec ses dépendances à François Billoart, sieur de Kerbervet, fils de Tanguy et Blanche Furic ; en 1678 ou début 1679 il changea de propriétaire, tout en restant dans la même famille : les Billoart de Kervazégan. En 1742, le manoir changea encore de mains, il fut acheté par Duval de La Poterie. Le manoir de Kerbervet était encore debout à la fin du XIXe siècle, si l’on en croit Victor-Adolphe Malte-Brun, qui le mentionne dans « La France illustrée » en 1882 ou encore le peintre Albert Clouard en 1892 :
« Ce manoir là bas, du côté de Saint Gwénolé, est celui de Kerbervé ; il était habité dans l’ancien temps par des seigneurs très riches… »(7)
Le village
Le village de Kerbervet s’élève à 6,50 m. au-dessus du niveau de la mer, soit un peu moins haut que les méjous voisins du Layou. L’occupation humaine du site est ancienne : N. Le Gall y a trouvé des restes de céramiques gallo-romaines (8) et le microtoponyme Parc ar Coty à l’ouest de Kerbervet est souvent un indice d’habitat ancien, antérieur à l’arrivée des Bretons. Pourtant Kerbervet ne se situe pas au point de jonction d’axes majeurs. Il se trouve sur un chemin menant de Pors Carn à Kergarien, mais ce lien avec Kergarien ne se fait pas de manière directe, le chemin (l’actuelle rue Molière) ne présente pas de caractère morphogène dans sa partie nord, ce qui signifie qu’il est relativement récent car créé après les parcelles qui l’entourent. Un sentier relie Kerbervet à Kerouil, mais là encore après plusieurs bifurcations ; ce sentier aujourd’hui disparu figure encore sur la matrice cadastrale de 1957. Aucun chemin ne permet de joindre directement Kervédal, ni Kervilon. Le site gallo-romain semble avoir été abandonné car le village de Kerbervet constitue une création tardive ; d’ailleurs les seigneurs de Lestiala et de Kerbleustre n’y possédaient pas de chefrentes. Cette création serait-elle liée à l’assèchement et la mise en culture au Moyen Age des marais voisins : Loc’h Yan et Loc’h Cleil ?
Le village de Kerbervet était en ruine au moins depuis le XVIIe et resta longtemps dans un état de quasi abandon. Il reprit timidement vie dans le courant du XIXe : en 1833 on y trouvait six « masures » en ruines et aucune maison habitée, en 1957 seules deux maisons figuraient sur la matrice cadastrale. Depuis, d’autres constructions sont apparues le long de l’impasse de Kerbervet, mais les dernières traces de l’ancien village ont disparu sous les ronciers et les prunelliers. En dehors des ruines qui figurent sur le cadastre de 1833, un document de 1830 nous signale d’autres vestiges de maisons dans le courtil Clos Kerbervet et dans le courtil Liors Ruvelven (9).
A la suite de quels évènements ce village a-t-il été ainsi abandonné? La ruine a-t-elle été soudaine ou progressive ? On se perd évidemment en conjectures : faut-il y voir la conséquence de la crise économique subie par le Cap Caval à partir du milieu du XVIe? Est-ce dû à des difficultés d’exploitation du terroir proche : ce XVIe froid et humide (le petit âge glaciaire) a peut-être empêché de travailler les méjous de Loc’h Yan et Loc’h Cleil. S’agit-il des massacres perpétrés par La Fontenelle ?
Une des premières maisons construites à Kerbervet au XXe connut un propriétaire prestigieux : en 1931, elle fut achetée par l’écrivain et homme de théâtre Léon Chancerel qui y hébergea en été sa troupe des « Comédiens routiers ». C’était un groupe de jeunes artistes qui marqua fortement le théâtre français du XXe : Jean Dasté, Hubert Gignoux, Bernard La Jarrige, Olivier Hussenot, Maurice Jacquemont… En 1933 ils tournèrent un film à Penmarc’h intitulé « La rose des vents ». Après la guerre, en 1944, Léon Chancerel revendit Kerbervet à un de ses amis : Pierre Goutet, haut-fonctionnaire rescapé de Buchenwald.
Le secteur de Kerbervet comprend des parcelles répertoriées sous les articles suivants : Clos, Closic, Coty, Dremiet, Drezec, Forn, Gall, Gloaguen, Lann, Layou, Losquet, Palud, Poullen, Raden et Sant Youenn.
(1) Aveu retranscrit in Torchet, Hervé .- Penmarc’h au Moyen Age .- P. 126.
(1) Archives départementales du Finistère, A85 (en 1517)
(3) Favereau, Francis .- Celticismes … p. 100.
(4) Le Coz, François in Monfort, Rémy .- Penmarc’h …
(5) Archives départementales de Loire-Atlantique, B 3003 (retrancription par Alain Torchet, site La Pérenne)
(6) Orthographié Lambourt. Réformation de 1536 ( éd. par Hervé Torchet, site La Pérenne)
(7) Cloüard, Albert . – Tro-Breiz : (Tour de Bretagne) / A. Cloüard et G. Brault .- Librairie Fiscbacher, 1892 .- 497 p. ; 18 cm.
(8) Mouez Penmarc’h n°98
(9) Archives départementales du Finistère, 60J30