Palud

Palud ou palue constitue un emprunt au latin « paludem ». Selon la définition du géographe Pierre Flatrès, c’est un «territoire mal desséché que le cordon littoral du sud de la baie d’Audierne a isolé de la mer » (1).

Ile Fougère

« Palue » (fin XVIIe, 60J36) Toponyme de l’Ile Fougère

La bande de terre sableuse qui séparait le village de l’Ile Fougère de la grève était appelée palue, de-même la Rue Lucien-Larnicol  s’appelait autrefois « chemin de Kerouil à la palue » (2). C’est cette palue qui accueillit les premières conserveries de Saint-Guénolé fin XIXe. Pour favoriser l’industrialisation, la commune en aliéna une partie en 1872, mais se heurta à l’opposition de plusieurs paysans de Kerouil qui avaient l’habitude d’y faire paître librement leurs animaux (2).  

Kerbervet

« Parc ar palud » (1823, 60J35) ; « Par palud » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Tachen palud » (1833, 3P159 3, cadastre) Toponymes de Kerbervet   

Situées au sud-est de l’anse du Viben, Parc ar palud et Tachen palud, ne correspondent pas à la définition de P. Flatrès. Nous sommes probablement en présence de terres froides que les habitants de Saint-Guénolé assimilaient à celles de la palue voisine.

Kervédal

« Foennec palud » (1833, 3P159 3, cadastre) Toponyme de Kervédal

Ce terrain de Kervédal se situe aux marges de la palue longtemps appelée « palue de Tronoan ».

« La palüe de Tronoen au village de Kerguedel » (1540, A85) ; « La grande palue de Tronoan » (1805, 60J37) ; « La palue de Kervédal » (1914, 60J32) Toponyme de Kervédal

Palue
La palue aujourd’hui

Une parcelle de Corn ar Goff à Kervédal « joint du levant la grande palue de Tronoan ». Cette appellation « palue de Tronoan » n’est plus employée à Saint-Guénolé, on parle simplement de « la palue », mais elle montre bien le prestige dont jouissait Tronoan autrefois. Cette palue était un commun du village de Kervédal jusqu’à son partage en 1885, partage qui fut assez mouvementé, car la commune de Penmarc’h en revendiquait la propriété. Le rapport d’expertise publié à cette occasion nous permet de mieux comprendre l’intérêt économique de la palue au 19e siècle :

« La palue […] est constituée par un plateau engazonné qui sert de pacage au bétail, et par des amoncellements de sable maritime que les cultivateurs viennent prendre pour leurs terres. Deux produits distincts et essentiels sont donc fournis par ces communaux : le pâturage et le sable…Un troisième produit est encore prélevé : ce sont des mottes, soit pour le chauffage, soit pour la préparation des fumiers. Enfin, un 4e produit est fourni par la palue : ce sont les racines de Cynodon dactylon, graminée à racine traçante comme celle du Triticum repens ou chiendent, employées pour confectionner des balais.

Le pâturage des communaux de Kervédal n’est profité que par le bétail des villages de Kervédal, Kervilon et Kerloc’h […]

Le sable est employé par les habitants des mêmes villages de Kervédal, Kervilon et Kerloc’h […et par…] ceux de Kerameil, Keréon, Kerganten, Kerguidan, Kerellec et Quélourne…Les autres habitants de la commune vont prendre du sable soit à Kérouil, soit à Saint-Pierre, soit à Kervellec, soit à Langourougan, soit enfin à Lescors ou sur la commune de Plomeur, au plus près…[…]

Les mottes détachées de la palue de Kervédal ne sont coupées et enlevées que par les habitants de Kerouil, Kervilon, Kervédal et Kerloc’h […]

L’emploi des racines du Cynodon Dactylon pour la confection de balais constitue une très minime ressource pour les résidents les plus voisins de la palue. Deux ou trois familles de la commune de Penmarc’h et cinq ou six familles de la commune de Plomeur ont fouillé les sables engazonnés pour extraire ce produit […]

[…] Il y a lieu toutefois de signaler une tentative d’amodiation de la commune de Penmarc’h sur deux portions du n°175 :

Une portion a été affermée il y a 7 ans environ au sieur Mévellec, qui a clos par un turon deux ou trois hectares sur la partie qu’il a lui même choisie et qui a construit une cabane en mottes qu’il habite […]

Une autre portion a été close de la même manière par le sieur Coïc Jean, il y a environ six ans, Coïc s’est construit une cabane en mottes, comme celle de Mévellec […] (3) »

La palue fut jusqu’au milieu du XXe siècle le territoire des pies-noires et le terrain de jeux des jeunes vachers et vachères. A partir de 1918 toutefois, ces pacages furent concurrencés par des cultures maraîchères fortement soutenues par les conserveries locales.

« les palues (…) qui sont d’immenses étendues plates, formées de sables, sont prises aujourd’hui, par la culture maraîchère, (petits pois, haricots, pommes de terre). Ces légumes viennent très bien dans le sable calcaire engraissé par du goëmon, abrités des vents du large par de petits talus en pierres sèches ». (4)

La palue a inspiré de nombreux écrivains, comme par exemple Théodore Monod qui , en 1920, à l’âge de 18 ans, participa aux fouilles archéologiques de Saint-Guénolé et de Plomeur :

« Je voudrais vous faire sentir l’austère et désertique beauté de nos dunes solitaires. A perte de vue s’étendent les croupes pelées couvertes d’un maigre gazon arrêté dans sa croissance par le vent du large. Cà et là, la touche vive d’un pied d’immortelles ou de chardons bleus. Au loin, du côté de la terre, des silhouettes de clochers : Tronoan, La Madeleine, Penmarch, se profilent sur un horizon de boqueteaux. Des chemins sablonneux, des talus, des fossés décorés de pourpre salicaire ou de pâle eupatoire. De loin en loin, un lièvre qui s’enfuit, un machaon qui se pose, un courlis au long bec qui regagne les sables du rivage. Je voudrais vous conduire sur les landes arides et sèches, ou le long du rivage océanique où les vagues de l’Ouest viennent déferler en majestueux panaches. Je voudrais vous faire respirer les herbes aromatiques qui embaument nos dunes… (5) »

L’attirance de Théodore Monod pour les milieux désertiques aurait-elle pris naissance du côté de la palue ?

Plus proche de nous, Bernard Berrou ressent également cette forte attirance pour la palue :

« La palud, ainsi nommait-on cette lande rase, sablonneuse, couleur de steppe et de fenouil, mouchetée par les lichens, qui s’étendaient des grandes dunes de Toul-Gwin jusqu’aux premières prairies et champs sertis de talus, du côté de la Madeleine. C’était pareil à un plateau littoral que nulle route ne traversait, un désert et un ciel emplis d’une sorte de pitié grave et sévère […] Parcourant le feutrage soyeux balayé par les vents, il n’y avait qu’un dédale de pistes crevées qui ne menaient nulle part sinon au bout de l’horizon empiété des dunes, d’où l’on voyait plus loin que le monde (6). »

La palue a été en partie dégradée par les prélèvements de sable des cultivateurs qui se sont intensifiés à partir du milieu du XIXe s. et aussi par les prélèvements des entreprises de travaux publics. Les plus importants furent ceux de la société Dumez, qui de 1949 à 1954, construisit le barrage de la grande passe et le terre-plein du port. Elle avait installé une grue et une pelle mécanique à chenilles dans l’arrière dune de Pors Carn et tous les jours des camions faisaient la navette pour transporter le sable jusqu’au port. Après les travaux, la zone concernée se transforma en étang, en partie comblé aujourd’hui.

A la fin des années 1950, sur cette palue de Kervédal, un important bâtiment vit le jour, flanqué d’une série de grandes maisons en pierres de taille : la Station de câbles sous-marins téléphoniques de Penmarc’h. Cette station, familièrement appelée « les câbles », entra en service en 1959 (7). Quelques années plus tard, en 1966, on ouvrit une route à travers les sables de la palue.

Cables
La station des câbles sous-marins

Pour les aspects archéologiques de la palue voir l’article Kervédal et l’article Menhir.

Kervilon

« Men Penanpalut » (1650, B2713 275) ; « Penanpalut » (fin 17e, 60J36) ; « Pen ar palut » (1716, 60J31) ; « Prateau dit Penapalut » (1784, B472) ; « Vague de Pen ar palud » (1830, 60J30) ; « Pen ar palud » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Parc pen ar palud » (1833, 3P159 3, cadastre) Toponyme de Kervilon

Ce « bout de la palud » se trouve à la marge du marais. Une partie de « Pen ar palud » est en « commune ». (60J37).

Un contrat de location de 1844 précise que « le preneur curera à ses frais le canal de dégorgement qui longe le marais » le long du bien affermé à Penanpalut (7).

(1) Flatres, Pierre .- Le Pays nord-bigouden…

(2) Archives départementales du Finistère, 60 J 35 (1828).

(3) Archives départementales du Finistère, 15 U 22 63 : rapport de l’expert Pierre Méheust en date du 26/6/1885

(4) Mémoire sur le chemin du Loc’h, présenté par l’ingénieur en chef du Génie rural en juillet 1922 (7M373)

(5) Monod, Théodore .- Les carnets…

(6) Berrou, Bernard .- Un passager…

(7) Portais, Pierre .- Câbles sous-marins : Penmarc’h au centre d’une toile intercontinentale .- Mouez Penmarc’h, décembre 2008, n°36.

(8) Archives départementales du Finistère, 4 E 205 386

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