Pierre et Jean Dupouy (rue)

Nom de la rue

Pierre Dupouy (1916-1945) et Jean Marie Dupouy, souvent appelé Jean Dupouy (1920-1945) étaient les fils de l’écrivain Auguste Dupouy. Pendant la guerre ils furent rédacteurs à la Direction des Beaux-Arts, rattachée à l’Education nationale. Louis Ogès a retracé dans les Cahiers de l’Iroise (1) leur rôle dans la Résistance et leur détention :

D’abord agent permanent des corps-francs « Vengeance », Jean-Marie Dupouy fut choisi comme chef du groupe de Bretagne ; Pierre devint chef des corps-francs du groupe des Côtes-du-Nord. « Jean et Pierre Dupouy ont entrepris, à partir de novembre 1943, de remettre sur pied en Bretagne un mouvement d’action décapité. A ce titre ils recrutèrent, enseignèrent, donnèrent des ordres d’action… Je puis enfin ajouter ceci: sans leur action, le démarrage des corps-francs « Vengeance » n’aurait pas eu lieu. C’est sous leurs ordres que des équipes furent constituées, instruites et armées. Ces équipes furent à l’avant-garde du combat clandestin jusqu’à la Libération. Ils travaillèrent dans le canton de Pont-l’Abbé qu’ils connaissaient plus particulièrement, aux environs de Brest, à Guingamp, à Saint-Brieuc et à Rennes. C’est dans cette ville que, le 20 avril 1944, ils furent arrêtés par un autonomiste breton, Le Ruyer, qui travaillait pour le compte de la Gestapo. » Témoignage de Jean David, de Brest, placé sous leurs ordres.

Ils furent emprisonnés à Rennes où ils restèrent deux mois. Jean y connut les brutalités des nazis, il y subit leurs tortures raffinées, mais il ne parla pas. Pierre fut transféré de Rennes à Compiègne le 21 juin; Jean ne repartit que le 28. Après un court séjour à Compiègne, tous deux partirent pour l’Allemagne où ce fut encore la séparation : Pierre fut envoyé en commando à Brême et Jean à Bremen-Forg. Jean mourut de la dysenterie et du typhus à l’infirmerie de Bergen-Belsen, le 20 avril 1945. Quant à Pierre, il fut libéré et conduit à Lübeck. on l’embarqua sur un paquebot allié : le « Cap Arcona » Hélas ! le navire fut bombardé et coulé par les Anglais qui croyaient s’attaquer à des Allemands.

Ils ont tous deux obtenu à titre posthume la médaille de la Résistance française par décret du 24 avril 1946.

Caractéristiques de la rue

Ce nom de rue a été attribué par la municipalité de Thomas Donnard en 1955. Il fait partie de la première série de noms de rues de Saint-Guénolé, série fortement influencée par la guerre qui bien qu’achevée depuis dix ans, était encore très présente dans les esprits.

« Je pense me conformer au vœu des amis et des proches qui ont vainement attendu le retour des sacrifiés pour remercier par l’entremise de ce journal le conseil municipal de Penmarc’h d’avoir néanmoins assuré ce retour de la seule façon qui restait possible, et qui n’est pas uniquement symbolique. » Auguste Dupouy, Le Télégramme du 19 janvier 1956.

Auparavant cette voie était parfois appelée rue du Menez ou voie communale n°506. Elle part de l’intersection avec la rue François Péron et se termine à l’intersection avec la rue Michel Le Gars. Orientée très approximativement ouest-est, elle mesure 560 mètres. Elle s’élève à 5,39 m à l’ouest pour monter presque à 10 mètres à son extrémité est.

Histoire

Cette voie est relativement récente. Elle a été établie au début des années 1880 le long des murets de séparation entre les terres cultivées de Kerouil et les communaux du Ménez. Il existait peut-être auparavant un sentier à cet endroit, mais ce n’est pas certain. Lors du partage des communaux du Menez Kerouil en 1881 (2) il fut décidé de construire un chemin entre les terres cultivées et les communaux à lotir : « un chemin de sept mètres suivra les terres cultivées du village selon des droites qui régulariseront leurs limites ». C’était le véritable acte de naissance de la future rue Pierre et Jean Dupouy. Ce partage fut une aubaine en particulier pour les marins arrivés récemment des palues de la baie d’Audierne et donc dépourvus de patrimoine foncier. On construisit de nombreuses maisons au nord de la voie entre la fin du 19e siècle et 1920, souvent grâce à des prêts consentis par les commerçants, en particulier par les boulangers.

En 1896 le conseil municipal demanda le classement des chemins du Menez Kerouil en voies rurales ou vicinales. Il exigea également le respect de l’alignement des clôtures lors des nouvelles constructions (3).

En 1923, on comptait une quinzaine de maisons côté nord, implantées sur les anciens communaux, en revanche côté sud les constructions restaient encore très clairsemées. Cette rue longeait deux grandes carrières de granit à ses deux extrémités. La partie nord-ouest de la rue, qui appartenait en grande partie au conserveur René Béziers, ne fut lotie qu’à la fin des années vingt (4).

Les maisons du nord de la rue en février 1920 (photo prise à l’intersection avec la rue Marcel Sembat). Photo de Georges Chevalier pour la fondation Albert Kahn
albert-kahn.hauts-de-seine.fr

Trente ans plus tard, en 1953, on comptait 27 maisons au  nord et 14 au sud.

Activités : commerce, artisanat, agriculture, industrie, loisirs (des origines à 1980)

La rue Pierre et Jean Dupouy était bordée par de nombreuses petites maisons de marins et quelques demeures de patrons pêcheurs dotées d’un étage. On n’y trouvait pas de fermes, en revanche il y avait plusieurs magasins, essentiellement des commerces de proximité. Le premier s’est installé dès les années 1910, mais l’apogée de l’activité commerciale de la rue se situe entre la fin des années 1930 et le début des années 1970.

Côté nord de la rue

Début de la rue

Il y avait une pompe à l’intersection avec la rue François Péron.

n°55

Gourlaouen [<années 1930-années 1960>] « Au retour des pêcheurs »

Catherine Jégou (1898-1980) épouse (1929) de Jean-Louis Gourlaouen (1882-194.), puis de Alain Durand (1898-1973)

Catherine Jégou tenait le débit de boisson, Jean-Louis Gourlaouen était mécanicien. Son fils Jean Louis, né d’un premier mariage, fut mareyeur au n°289 rue de la Joie. Après le décès de Jean-Louis Gourlaouen, Catherine Jégou se remaria avec Alain Durand, dit Lannig, qui était patron pêcheur.

Entre les intersections de la rue Roger Quiniou et de la rue des Mouettes.

Ce secteur était autrefois occupé par une carrière de granit.

La carrière en 1923 (photo aérienne IGN)

n°99

Tirilly [juin 1931-années 1970]

Alain Tirilly (1906-1988) x (1930) Eugénie Stéphan (1912-2005)

Entreprise de menuiserie et ameublement. Il y avait un atelier derrière la maison. Alain Tirilly possédait également un magasin au n°121 rue Lucien Larnicol.

n°125

Stephan [années 1930]

Jean Stéphan (1903-….) époux (1927) de Marie le Reun (1909-2004)

Boucherie charcuterie

Jean Stéphan prit d’abord la succession de ses parents François Stéphan et Catherine le Gloanec à l’Ile Fougère à partir de septembre 1927, avant de faire construire une nouvelle maison et un commerce rue Pierre et Jean Dupouy au début des années 1930. Il possédait une voiture de marque Renault. Un article du Finistère daté de 1931 dit qu’il était « taillé en hercule ». Un conflit avec son voisin Jean-Louis Gourlaouen en novembre 1931 les conduisit devant le tribunal.

puis au n°125

Briec [8/1938-12/1947]

Henri Briec (1907-1994) époux (1938) de Joséphine le Brun (1914-1994)

Boucherie-charcuterie, vente de légumes.

Venus de Tréogat, ils étaient locataires des précédents. Ils furent congédiés fin 1947 et la maison fut vendue l’année suivante.

puis, toujours au n°125

Gloanec [1942 – après 1970]

Louis dit « Lili »Gloanec (1920-1989), époux de Suzanne Bargain (1922-2007)

Fils d’un charcutier du bourg, Lili Gloanec ouvrit sa charcuterie dès 1942. En 1948 il se porta acquéreur de la maison (n°125) et du commerce de son cousin germain Jean Stéphan. Il faisait charcuterie et avitaillement de bateaux. Il possédait un appentis à l’est de sa maison qu’il utilisait comme atelier et réserve.

n°155

Kersalé [juillet 1924 – fin des années 1950]

Marcel Kersalé (1905-195.), époux (1929) de Léonie Nédélec (1910-1984)

Marcel Kersalé était ferblantier et plombier zingueur. En 1946 il ajouta à ces spécialités initiales le chauffage, la quincaillerie, le tréfilage. A partir de 1951 il se fit également couvreur. Il décédera à la suite d’une chute.

Parallèlement Léonie Nédélec tenait une alimentation pour l’Union des docks. Le commerce faisait aussi de l’avitaillement. L’épicerie resta encore ouverte quelques années après la mort de Marcel Kersalé.

n°355

Rolland [ca 1900 – 1924]

Pierre Rolland (1849-1924)

Né à Plonéour, Pierre Rolland s’installa à Kerouil vers 1900 en tant que charron, menuisier et charpentier.

Puis au n° 355

Le Gall [<années 1970>]

Anna Rolland (1933-….) épouse (1953) de Henri Le Gall (1926-1961)

Mercerie, bonneterie.

Anna dite Na Rolland, petite-fille de Pierre Rolland, reconvertit en commerce le local où son père Jean-Louis, patron pêcheur, entreposait ses filets (pointe avancée, à gauche sur la photo). Son époux Henri le Gall, patron pêcheur également, disparut en mer lors du naufrage de « l’Aimé Jean-Louis« .

n° 415

Berrehouc, puis Guirriec [années 1910 – ca 1952]

Marie Noëlle Hélias (1889-1962), épouse (1911) de René Berrehouc (1885-1918), puis (1920) de Jean Guirriec (1894-1945) (5)

Débit de boisson, épicerie. Il y avait un jeu de boules derrière la maison.

Contrairement à René Berrehouc, le premier mari de Marie Noëlle Hélias, Jean Guirriec n’était pas commerçant, mais marin. Ce débit était appelé familièrement « Ti Li Vihan ». Il reste encore une trace de l’activité passée sur la façade : un anneau métallique qui servait à attacher les chevaux.

n°465

Credou

Marie Garrec (1896-1981), épouse (1920) de Corentin Credou (1892-1951)

Marie Garrec était une couturière et une brodeuse réputée.

Après le n°453

La rue Pierre et Jean Dupouy se termine le long d’une des anciennes grandes carrières de granit de Saint-Guénolé.

Côté sud de la rue

Entre le début de la rue et le n°65

Amieux (conserverie) [1880-1969]

Voir l’article Amieux (conserverie)

La partie arrière de l’usine a été reconvertie en parking privé.

n°65

Le Hénaff (conserverie) [1883-1965]

Voir l’article Le Hénaff (conserverie)

Partie arrière de l’usine.

Puis au n°65

Crédit maritime mutuel [1967-1976]

L’agence fut transférée au n°249 rue Lucien Le Lay en février 1976. Ce bâtiment a également accueilli l’inscription maritime.

Puis au n°65

Coopérative maritime [fin des années 1970 – après 1980]

Ce local était utilisé par les marins pour entreposer du matériel (perches pour le thon par exemple) et pour ramander les filets.

Entre le n°96 et le n°144

Il y avait là une petite carrière de granit, prolongement de la grande carrière côté nord ; elle a été comblée depuis longtemps.

n°156

Gueguen [années 1950-1960?]

Marie Jégou (1906-1980) veuve de Jean-Marie Gueguen (1902-….)

puis

Claudine Guéguen, leur fille.

Epicerie. Enseigne « Union des docks ».

n°156 ou maison mitoyenne

Boënnec [années 1940]

Ambroise Boënnec (1902-1957)

Mareyeur ambulant à partir de décembre 1945.

n°268

Le Berre [12/1952-1970]

Pierre le Berre (1912-1965) époux (1942) de Germaine Larnicol (1919-2011)

Epicerie, mercerie, vins et spiritueux à emporter. Marque « Spar ». Dans un second temps ils firent aussi de l’avitaillement en légumes.

(1) Cahiers de l’Iroise, n°1 de janvier-mars 1968.

(2) Archives départementales du Finistère, 15 U 22 59

(3) Archives municipales, registre des délibérations du conseil municipal, 27 septembre 1896

(4) L’avis favorable du conseil municipal au projet de lotissement date de septembre 1927. Archives municipales, registre des délibérations du conseil municipal, 10 septembre 1927

(5) Elle épousa d’abord Corentin Scuiller (1882-1908), mais n’était probablement pas encore commerçante à l’époque de son premier mari.

Cette histoire des commerces de la rue Pierre et Jean Dupouy a été conçue grâce à de nombreuses sources :

  • les archives départementales : recensements, registres du commerce (séries 1631 W et U Supplément), cadastre, état-civil…
  • les archives municipales de Penmarc’h : registres de délibérations du conseil municipal
  • la presse locale
  • les souvenirs de quelques « anciens », en particulier Joël Stéphan, Martine Kerouédan, Jean Loch, Marie-Thérèse Cadiou, et quelques autres que je remercie encore vivement.
  • le Centre généalogique du Finistère https://cgf.bzh/
  • Cette histoire est encore incomplète et comporte sans doute quelques erreurs, j’en suis bien conscient, mais je continue à explorer les archives pour l’améliorer et je compte aussi sur les commentaires des lecteurs pour l’enrichir. D’autre part je suis toujours à la recherche de photos ou de documents sur les commerçants et les magasins.

NB : les petites photos placées sous les numéros de rue proviennent de Google street view.

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