Menez

Menez signifie montagne, mais ce mot prend souvent le sens de lieu inculte situé en dehors du finage du village. C’est le cas à Saint-Guénolé.

« La grande Montagne dite menez Kerouil » (1791, 59J3) ; « Menez Kerouil » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Ménez Kerouil » (1882, 15U28 269) Toponyme de Kerouil

Menez Kerouil, communément appelé « le Menez », occupe une importante superficie entre le village de Kerouil et ses terres cultivées d’une part et les « rochers de Saint-Guénolé » d’autre part.

Un dolmen était autrefois dressé sur le Menez face à la mer, au bout de la Rue François Péron, côté ouest, mais en 1920 déjà, il était qualifié de « dolmen détruit »(1).

En majeure partie impropres à la culture, les terrains du Menez eurent pendant des siècles un statut de communaux. Une déclaration de 1754 reconnaissait aux domaniers de Rulan « leurs parts et portions dans toutes les montagnes, communaux et frostages du village de Kerouil » (2). En 1791, le Menez Kerouil était encore qualifié de « commune » (3). Il le resta jusqu’aux années 1880. C’était un domaine réservé aux animaux domestiques, aux chèvres, aux vaches et surtout aux oies qui cacardèrent encore sur le Menez jusqu’aux années 1970.

Les oies du Menez vues par Cheffer (4)

Dans les années 1880, les communaux du Menez furent partagés, ce qui représenta une aubaine pour les marins de Saint-Guénolé souvent fraîchement immigrés des palues de la baie d’Audierne. En 1887 il n’y avait encore qu’une maison ou deux à Menez Kerouil, en 1893 il y en avait plus de 20 (5). Pour construire les maisons, les usines, pour développer et protéger le port, il fallait des pierres, beaucoup de pierres : elles furent extraites sur place. De nombreuses carrières y virent le jour.

Carrière au Menez en 1920. Photo Georges Chevalier pour la Fondation Albert Kahn.

Longtemps Saint-Guénolé fut dépourvu d’une véritable place publique, c’était le Menez Kerouil qui palliait à cette absence. Le Menez présentait en effet le double avantage d’offrir un grand espace peu construit et d’être situé à proximité du port et des usines. C’est sur le Menez Kerouil qu’avaient lieu certaines fêtes et kermesses (Fête des Cormorans), c’est parfois là qu’on accueillait les cirques, c’est aussi au Menez que se tenaient les grands meetings syndicaux, comme le précisait il y a quelques années dans un article du « Marin » un des acteurs des grèves de 1927 : M. Corentin Cléac’h :

« le matin réunion à 10h sur le ménez jusqu’à midi, cortège, défilé à 14h jusqu’aux Affaires maritimes… ». (6)

La fête des Cormorans au Menez le 7 août 1923. Photo Agence Rol.

Avec le développement de la pêche le Menez devint aussi un lieu commode pour faire sécher les filets.

Séchage de filets sur le Menez. Carte postale Anglaret n°267.

Au début des années 1920 une route fut construite entre le Menez et Pors Carn, en passant par le Viben (7). Cette ouverture sur le Menez Kerouil n’échappa pas aux campeurs qui, jusqu’aux années 1970, installèrent chaque été leurs tentes face à la mer.

En 1925-1926 on édifia un mur de défense de 365 m. derrière les rochers du nord du port pour protéger les nouvelles constructions du Menez. Il fut surnommé « ar c’hal gouez » = la cale sauvage (8).

C’est face au Lestr, sur le Menez, que l’écrivain Auguste Dupouy choisit de faire bâtir sa maison, au plus près de l’océan. Voici comment il décrit le Menez :

« sur une largeur de deux cent mètres en moyenne, c’est la lande rase et odorante sous un tapis d’un vert puissant qui, l’été, tourne par endroit au roux. La terre manque et l’embrun surabonde. Rien ne pousse sur ce plateau, qu’un gazon marin qui n’oublie pas de fleurir(9) ».

Ses fils Pierre et Jean se distinguèrent dans la Résistance au sein du mouvement « Vengeance ». Capturés en avril 1944 ils trouvèrent la mort en déportation. Une rue de Saint-Guénolé porte désormais leurs deux noms. Dans sa lettre d’adieu Jean évoquait une dernière fois le Menez :

« Je pense au spectacle sublime du couchant sur le Menez de Saint-Guénolé. Il y a là plus qu’un soleil qui s’enfonce dans l’eau, qu’une côte qui s’estompe…On ne peut le contempler sans devenir plus qu’un homme : c’est la liberté même qui pénètre dans la chair (10)».

Le menez Kerouil n’est pas le seul menez de Saint-Guénolé, on en trouve également à Kerameil et à Kerbervet, mais je ne suis pas parvenu à les localiser avec précision.

« Montagne commune de Kerbervès » (1830, 60J30) Toponyme de Kerbervet

« Menez bihan » (1738, 60J24) Toponyme de Kerameil

Pour « Ruë Venez » (1805, 60J37) Toponyme de Kervédal voir l’article Ru .

(1) Deuxième campagne de fouilles…

(2) Archives départementales du Finistère, 60J31

(3)  Archives départementales du Finistère, 59J3 (1791)

(4) Géniaux, Charles .- L’Océan (illustrations de Henri Cheffer).

(5) Le Coz, François in Monfort, Rémy .- Penmarc’h…

(6) Gloaguen, Liliane .- La grève sardinière en 1927 .- Le Marin

(7) Archives départementales du Finistère, 3 O 702

(8) Le Berre, Alain .- Toponymie nautique…

(9) Dupouy, Auguste .- St Guénolé Penmarc’h

(10) Terre et mer : grandeurs… au pays de Penmarc’h

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