Dès les années 1870, les constructions se mirent à pousser de manière anarchique à l’Ile Fougère et à Kerouil : conserveries, logements pour la population des palues de la Baie d’Audierne attirée par la prospérité naissante de Saint-Guénolé, commerces…Les carriers prélevèrent les matériaux de construction sur place : le Menez devint ainsi un véritable gruyère. Ils s’attaquèrent d’abord au secteur le plus proche : du sud de Poulbriel aux usines Hillerin et Artaud (plus tard Amieux et Le Hénaff).
« Des extractions considérables de pierres ont été pratiquées sur les terres à partager pour les constructions récentes d’usines et de maisons à Kerouil (1)».
D’autres carrières de granit s’ouvrirent rapidement au sud du Stouic, au Viben et jusqu’à Rosmeur. Le travail se mécanisa : des anciens se souviennent d’avoir joué dans les wagonnets des carriers. Une importante entreprise s’implanta après la première guerre : la THEG (2). En juillet 1932 une grève éclata à la THEG : les 12 carriers de Saint-Guénolé obtinrent une augmentation de salaire et la réintégration des 3 ouvriers licenciés. En 1949 une nouvelle carrière fut concédée pendant 4 ans à la société Dumez, chargée des travaux du port ; située au Viben, elle concernait un terrain appartenant à J.J. Lemordant (3).
Plusieurs accidents, plusieurs drames parfois mortels eurent pour cadre ces carrières. J’en ai retenu un, plus comique que tragique : le 29 mai 1914, lors de sa tournée à Saint-Guénolé, le cheval d’un employé de Guiziou, marchand de vin au bourg de Penmarc’h prit peur et se retrouva au fond d’une carrière de 3 m. entrainant le char à banc auquel il était attelé ainsi que sa précieuse marchandise (4) !
Le plan cadastral de 1957 reproduit ici, permet de faire un inventaire des carrières :
2 petites au Menez, à l’ouest de la venelle du Lestr.
1 grande à l’ouest de la rue du Stouic (plus de 5 m de profondeur). Elle était appelée « Toull-men kazh » : on y jetait les chatons dont on voulait se débarrasser.
1 autre au bout de l’impasse de Kerouil. Elle ne semble pas figurer sur la photo IGN de 1929, elle serait donc plus tardive.
1 petite à l’extrémité ouest de la rue du Viben, côté mer.
1 très grande le long de la rue du Viben, côté sud, allant de l’ouest de l’actuel parking des camping-cars jusqu’à la rue Hyacinthe Moguérou.
1 autre dans le prolongement de la précédente, à l’est de la rue Hyacinthe Moguérou (3,5 m de profondeur)
1 très grande le long de la rue du Viben, côté nord (plus de 6 m de profondeur). Le terrain Lemordant en fait partie (voir plus haut).
1 petite à Rosmeur, entre la rue Scrafic et la mer (3m de profondeur).
1 autre petite carrière de Rosmeur, au sud de la rue Scrafic, ne figure pas sur le plan, mais on la devine encore aujourd’hui dans le paysage.
Certaines carrières furent encore exploitées dans les années cinquante (5). Lorsque cette activité cessa, elles devinrent le domaine des enfants qui rejouaient chaque jeudi dans ces décors fantastiques les westerns et les péplums qu’ils avaient vus au cinéma Celtic. Les carrières servirent également de dépotoirs pour les encombrants : Saint-Guénolé s’engouffrait dans la modernité, le formica commençait à faire place nette !
A la fin du XXe, presque toutes ces carrières disparurent du paysage : elles furent peu à peu remblayées. Aujourd’hui seuls les souvenirs et les anciens plans permettent de les imaginer : sous une belle pelouse, un parking, un terrain vague, un champ d’herbe rase ou un lotissement.
(1) Partage des communaux en 1881 (15U22 59)
(2) Travaux hydrauliques et entreprises générales : fondée en 1919, elle fut reconnue coupable à la Libération de collaboration avec l’occupant lors de la construction du Mur de l’Atlantique. Pour en savoir plus voir : Georges, N. – La THEG…
(3) Archives communales, 3 O 41.
(4) Ouest Eclair n°5636, mai 1914.
(5) Henri Camus m’ a fait part de précisions intéressantes sur la période de fin d’exploitation des carrières : » j’habitais près de l’une des deux grandes carrières du Viben et je me souviens que lorsque j’étais encore tout jeune (je suis né en 1951) les ouvriers qui y travaillaient venaient épisodiquement demander à ma mère de fermer les volets de la maison pour éviter que les explosions de dynamite ou les projections de pierres ne brisent les vitres. Je situe cette période entre les années 1955 et 1960, un peu avant peut-être mais guère plus. » Voir aussi Mouez Penmarc’h n°178, août 2021 : Souvenirs d’enfance d’un gars de Saint-Guénolé.1961 par Henri Camus, pp 12 à 14.