Ros signifie coteau, ou plus exactement d’après Deshayes : « terrain en pente couvert de fougère et de bruyère ». La seconde partie du mot : meur a le sens de grand. A noter que ce nom n’apparaît que tardivement, succédant à Remeur et à Ruemeur.
« Pointe de remeur » (ca 1780, Carte dite des ingénieurs géographes) ; « Mézou ruemeur » (1830, 60J30) ; « Champ dit Rue Meur » (1830, 60J30) ; « Mezou remeur » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Parc remeur » (1833, 3P159 3, cadastre) ; « Ménez-Rosmeur » (1862, Congrès archéologique de France) ; « Rosmeur » (1874, Bulletin de la Société archéologique du Finistère) Toponymes de Kervédal
Rosmeur est célèbre pour ses deux tumulus aujourd’hui presque entièrement disparus.
Autrefois le toponyme Rosmeur désignait un ensemble plus vaste que les alentours des tumulus. En effet les terres bordant le chemin de Tronoan (prolongement de la Rue Méjou Layou) étaient nommées « Parc Remeur » sur le cadastre de 1833, et la pointe Est délimitant l’anse du Viben s’appellait » Pointe de Remeur » fin XVIIIe.
Le plus grand tumulus « abritait deux sépultures mégalithiques côte à côte, dont l’orientale était assurément du type à chambre compartimentée ; risquons-nous à supposer que l’autre était du même ordre, ou un dérivé […] Ces deux monuments se trouvaient côte à côte dans un cairn de pierrailles de l’ordre de 20 m x 10 m, très approximativement, […] c’est seulement après leur condamnation qu’ils ont été enclos dans un tumulus de terre de l’ordre de 45 sur 35 m environ. Qu’à l’époque gallo-romaine on soit intervenu en creusant dans ces structures est une autre histoire, assez coutumière (1). »
Patrick Galliou s’est interrogé sur la réutilisation de cette structure néolithique par les Romains, attestée par la présence de monnaies et d’armes déposées soit successivement entre 280 et 340, soit en bloc vers 340. Il conclut ainsi : « Nous ne saurons vraisemblablement jamais s’il y avait là des sépultures tardives ou des « dépôts » liés à des pratiques « rituelles » (2).
Qui étaient ces soldats qui fréquentaient les parages de Rosmeur ? P. Galliou indique que sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique existait une série d’importantes forteresses qui étaient peut-être doublées par « un système secondaire de fortins construits en bois et en terre, installés à proximité des côtes ou de grandes voies terrestres (…) »(3). La péninsule de Pors Carn aurait-elle abrité un de ces camps ? Ces soldats constituaient-ils un détachement de l’armée régulière, étaient-ce des Lètes d’origine germanique ou une simple milice locale ? Comme dit P. Galliou : « l’univers des possibles est largement ouvert. »
Le grand tumulus de Rosmeur mesurait au moins 6 m de haut, constituant ainsi un observatoire de choix sur cette côte uniformément plate. Ce point haut joua certainement un rôle stratégique important pour cette péninsule plutôt riche et très vulnérable, souvent en but aux attaques des pirates et des flottes ennemies (Frisons, puis Vikings, et plus tard Anglais ou Espagnols). Les Romains l’utilisèrent et certainement beaucoup d’autres après eux, jusqu’aux soldats de Napoléon (4).
Le tumulus fut très maladroitement exploré en septembre 1861 par Armand Du Chatellier. Le grand archéologue anglais Lukis qui qualifia ce tumulus de « monument remarquable », visita le site en 1864 et critiqua vivement la fouille précédente :
« Elle fut entreprise […] par des personnes absolument ignorantes de ces structures, et ignorantes du fait qu’elles avaient une orientation. Les explorateurs commencèrent leurs opérations balourdes en creusant à partir du sommet du tertre : par conséquent ils traversèrent et détruisirent complètement les voûtes. Quand je vis le site, en 1864, c’était une ruine complète (5). »
Une partie des vestiges du tumulus furent alors récupérés par la Mairie de Penmarc’h qui s’en servit pour empierrer une nouvelle route.
Paul Du Châtellier, le fils d’Armand, explora à nouveau ce qui restait du tumulus en 1878. La même année, il entreprit la fouille du petit tumulus voisin (1,40 m de haut, 30 m de diamètre) (6). Le grand tumulus fut à nouveau fouillé en 1921 par le Groupe finistérien d’études préhistoriques. Pour Bénard, Boisselier et leurs amis ce tumulus « qui contenait trois allées couvertes de grandes et de petites chambres entourées de murs énormes, devait être l’un des plus beaux du Finistère (7) « .
Le site fut à nouveau modifié en 1881, lors du partage des communaux. Un nouveau chemin fut établi entre l’anse du Viben et l’anse de Pors Carn, « en passant entre les deux tumulus et entre les sables (8) » : c’est la préfiguration de l’actuelle Rue Scrafic.
Aujourd’hui le petit tumulus situé dans le parc de la villa « Ker tumulus Rosmeur » de Jules Niclausse se devine à peine. Pour ce qui concerne le grand, il ne reste plus qu’un bout d’allée couverte dans un jardin privé.
(1) Giot, Pierre-Roland .- Chroniques de préhistoire et de protohistoire finistériennes pour 1991…
(2) Galliou, Patrick .- Deux sites archéologiques finistériens…
(3) Ibid.
(4) Du Châtellier, Paul .- Les deux tumulus de Rosmeur… : « Ce tumulus fut écrêté pour l’établissement d’une batterie lors de nos guerres maritimes avec l’Angleterre »
(5) Lukis, W.C.- On some peculiarities … (trad. de P.R. Giot).
(6) Du Châtellier, Paul .- Les deux tumulus de Rosmeur…
(7) Troisième campagne de fouilles …
(8) Archives départementales du Finistère, 15U 22 59
* Sur les tumulus de Rosmeur voir aussi : Blois, Aymar de .- Fouille d’un tumulus… et Galliou, Patrick .- Deux sites archéologiques…