Nom de la rue
Michel Le Gars est né le 24 mai 1917. Il était marin pêcheur comme son père et habitait Menez Kerouil. Célibataire, il faisait partie de l’équipage du chalutier concarnois « Le papillon des vagues ». Ce chalutier venait souvent à Saint-Guénolé, car quatre de ses six marins étaient d’ici : Michel le Gars, Alain Hélias et les frères René et Armand Le Carval. « Le Papillon des vagues » devint un des maillons du réseau de résistance CND Castille du colonel Rémy. Michel Le Gars appartenait au réseau depuis le 1er août 1943 sous le pseudonyme de « Mickey ». A chaque fois que le message « Denise a les yeux bleus » était diffusé par la BBC, le bateau partait au large pour effectuer une liaison avec un sous-marin anglais. Il lui arrivait aussi de se rendre en Angleterre. Mais le réseau finit par être démantelé et Michel Le Gars se fit arrêter par la Gestapo sur les quais de Concarneau le 17 novembre 1943, en compagnie d’Armand Le Carval.
Michel Le Gars fut d’abord interné à Rennes, puis à Compiègne. Le 6 avril 1944, il fut déporté en Autriche avec les frères Le Carval et Alain Hélias dans un convoi de près de 1.500 détenus. Il arriva au camp de Mauthausen le 8 avril. Le 24 avril il fut transféré au camp de Melk, où on l’affecta à un poste de manœuvre. Malade, il fut ramené le 2 septembre au camp central de Mauthausen et entra au Sanitätslager (camp médical) où il mourut le 22 septembre 1944.
A titre posthume, Michel Le Gars a obtenu la Médaille de la Résistance (Journal officiel du 13 juillet 1947), la Croix de Guerre et un certificat de service du maréchal Montgomery. Il a reçu la mention « Mort pour la France » et le titre de déporté résistant le 27 juillet 1954.
Caractéristiques de la rue
Ce nom de rue date de 1955, la voie était nommée route du Menez ou route de Pors Carn ou encore route de la plage auparavant. Elle va approximativement du sud au nord, partant de la croix de Kerouil et se terminant par un changement net d’orientation (ouest-est) peu après l’intersection avec l’Impasse du Viben. Elle mesure 460 m environ. Son point le plus bas se situe à la Croix (6,40 m) elle monte ensuite vers le nord pour atteindre 10,42 m à l’intersection de l’impasse du Viben.
Histoire
Le sud de la voie figure sur le plan cadastral de 1833, c’est un chemin ancien qui borde de nombreux liorzhoù (1) de Kerouil ce qui fait remonter ses origines au haut Moyen âge, mais elle est peut être encore plus ancienne. Elle avait pour fonction ancestrale de desservir les différents quartiers du village de Kerouil et de les relier au Menez où se situaient de vastes communaux consacrés à la pâture des animaux. C’était aussi l’accès aux rochers de la côte nord pour la pêche à pied et surtout le début du chemin qui permettait de se rendre par Pors Carn jusqu’à l’église paroissiale de Beuzec, dont Saint-Guénolé était la trève jusqu’à la Révolution. A l’époque, la voie s’arrêtait quelques dizaines de mètres au nord de l’intersection avec la rue Pierre et Jean Dupouy et la rue du Stouic, après c’étaient les communaux. Il fallut attendre la fin du 19e s. et la vente des communaux pour qu’elle soit prolongée. Sur le plan de 1833 la voie était bordée de murets, certains subsistent encore, plus ou moins remaniés.
On trouve également quelques tronçons de murets dans la partie nord de la voie, mais ceux-ci ne sont pas antérieurs au 19e s.
En 1833 on ne comptait encore que cinq constructions le long de la voie, dont une en ruine. Ces constructions correspondent aux numéros 180, 196 et 219 actuels, les deux autres n’existent plus. La voie, qui était en mauvais état, fut réparée au printemps 1913. On la classa en chemin vicinal dès juin 1914, car elle était « très fréquentée par les baigneurs et les touristes » (3). Elle prit le nom de V.O. 15 en juillet 1922.
En observant la photo aérienne IGN de 1923, on constate que le développement du port et des conserveries depuis la fin du 19e s. a bien modifié la voie, mais les murets sont encore intacts. le nombre de constructions a largement doublé et on remarque deux fermes, reconnaissables à leurs beholo (tas de paille).
Le chemin fut transformé en route après délibération du Conseil municipal du 7 avril 1927. La rue fut goudronnée jusqu’à l’intersection avec la rue Pierre et Jean Dupouy en 1954, la partie nord en 1960.
En 1954 (photo aérienne IGN de 1954) on compte une trentaine de constructions, mais les exploitations agricoles donnant directement sur la voie ont disparu. Les nouvelles habitations sont essentiellement des maisons de marins. L’essentiel de la structure actuelle de la voie est déjà présent.
Avec la chute démographique qui va frapper Penmarc’h dans les décennies suivantes, elle ne subira plus de fortes modifications. Il y aura juste quelques nouvelles constructions, les carrières s’effaceront lentement du paysage, la plupart des murets seront cimentés ou remplacés et des garages feront leur apparition à côté des maisons.
Activités : commerce, artisanat, agriculture, industrie, loisirs (des origines à 1980)
La rue Michel le Gars était assez hétérogène. Elle délimitait une sorte de frontière entre le centre urbanisé de Saint-Guénolé et sa partie rurale. Comme on l’a vu, on y trouvait plusieurs fermes, mais aussi des maisons de marins. Des commerces s’y implantèrent à partir des années vingt. Ils desservaient essentiellement les quartiers densément peuplés de Kerouil et du Menez. Leur nombre a commencé à décliner au cours des années 1970.
Côté est de la rue
n°28
Kerfriden [septembre 1952 – années 1960]
Jeannette Bodéré (1926-2010), épouse de Vincent Kerfriden (1926-2002)
Alimentation générale, vente de vins et spiritueux au détail. Succursale « Vieux castel », puis « Docks de l’Ouest ». Vincent Kerfriden était marin pêcheur.
Puis toujours au n°28
Classe[années 1970>]
Gérard Classe
« Familistère ». Il faisait une tournée avec un fourgon Citroën en tôle ondulée.
n°36
Cette maison abritait une ferme avant guerre. Sur la photo aérienne IGN de 1954 on voit qu’elle a été déjà été reconvertie en habitation.
Non numéroté (façade rue Armand et René Carval)
Kieffer [années 1950- années 1970]
Denis Kieffer et son épouse.
Même si aujourd’hui la maison fait partie de la rue Armand et René Carval, sa vitrine donnait autrefois sur la rue Michel le Gars. Appelé « Télé-Breiz », c’était un magasin de radios, électrophones, disques, télévisions et électroménager.
« Il y avait toujours une télévision allumée dans sa vitrine sur laquelle on ne voyait que des points. On passait des heures devant et quelquefois on voyait un personnage au milieu des points gris, et on trouvait ça fantastique ! »Martine Kerouédan
n°74
Quéffélec [1928 – 9/1950]
Anna Boënnec (1909-1997), épouse (1927) de Marcel Quéffélec (1903-1955)
La maison date de 1932. Marcel Quéffélec était menuisier depuis 1928. Tout en conservant la menuiserie, le couple ouvrit en 1935 un débit de boisson épicerie, qui étendit ses activités dès 1938 avec de la vente de tissus, lingerie, mercerie et bonneterie. Le débit de boisson fut officiellement abandonné en août 1946. Le commerce fit également de la vente de beurre au détail à partir de 1948. On y trouvait même des livres et des journaux. Il était affilié à la marque « Docks de l’ouest ». (4)
Puis toujours au n°74
Pochic [années 1970] Floréal
Marie Corentine Corcuff (1914-1984), dite Titine Corcuff, veuve de Yves Pochic
Nouvellement veuve, Marie Corentine Corcuff, originaire de Plonéour, acheta l’épicerie Quéffélec et la transforma en commerce de fleurs (enseigne Floréal). Elle avait comme employée Marie Catherine Cossec, qui reprendra le commerce vers 1980.
n°88
Scuiller [janvier 1928 – années 1970]
Alain Scuiller, dit Lanig (1906-1978) et son épouse (1929) Suzanne le Scoarnec (1912-2008)
Boucherie, charcuterie, puis à partir de 1954 boucherie, charcuterie et conserves artisanales de viande. Le couple Scuiller avait aussi une activité annexe de restaurant : il disposait en effet d’une salle pouvant accueillir 70 convives. Lanig Scuiller fabriquait du pâté qu’il livrait dès les années 1930 en char à banc attelé à un superbe cheval arabe. Le magasin possédait une porte en verre avec des poignées en forme de cornes de taureau.
Puis :
Robert Scuiller (1930-2007).
Robert Scuiller, leur fils, continua la boucherie charcuterie et développa les conserves artisanales. Il s’associa à son beau-frère Jean Marc Daniel pour créer la conserverie artisanale Dansler, spécialisée en pâtés et saucissons secs.
Carrière derrière le n°280
Cette carrière est une des moins anciennes de Saint-Guénolé : elle n’était pas encore creusée en 1929 (photo aérienne de l’IGN) et elle était toujours en activité dans les années 1940. La carrière était équipée de wagonnets pour remonter les pierres, dans lesquels les enfants du Menez allaient s’amuser dès que les ouvriers s’éloignaient.
Puis (carrière derrière le n° 280)
Ricordel [<années 1950-années 1960>]
André Ricordel (1932-….)
Casse et récupération de matériaux. Il avait une cabane en bois goudronné dans la carrière. Il possédait également un manège forain (chenille).
n°320
Cossec [années 1960 – après 1980]
Roger Cossec (1934-2009)
Menuisier et charpentier. Il possédait un atelier au pignon est de sa maison. Il acheta la carrière voisine pour son entreprise.
n°362
A cet emplacement on trouvait une ferme avant la guerre. En 1954 elle avait déjà disparu, ayant été soit démolie et remplacée, soit reconvertie en simple habitation.
n°392
Cossec [11/1946-1947]
Corentine Durand (1914-1983) épouse (1943) d’André Cossec (1914-1943)
Corentine Durand devint veuve quelques semaines seulement après son mariage, son mari était marin. Elle ouvrit un commerce de « Tissus, lingerie, mercerie, confection, chemiserie, bonneterie. » Elle arrêta son commerce après son remariage avec Mathieu Failler en 1947, mais semble avoir poursuivi une activité de couturière.
n°432
Cossec (le) [< années 1950- 1957]
Joachim le Cossec (1967-1969)
Marchand ambulant sur les marchés, spécialisé dans la vente de bonbons.
Victime d’actes de vandalisme en 1957, il abandonna cette activité.
Puis toujours au n° 432
Lange [vers 1957-1958]
Yves Lange (1926-2001)
Marchand de matelas. Il s’installa à Saint-Pierre en 1958.
Côté ouest de la rue
n°133
Kerouédan [01/1952- après 1980]
Corentin Kerouédan (1924-2017) époux (1950) de Suzanne Stéphan (1927-2016).
Dans une vaste demeure construite en 1951, ils ouvrirent en 1952 une boulangerie, pâtisserie, confiserie, épicerie. Corentin Kerouédan était boulanger, son père avait d’ailleurs exercé la même profession à Lestriguiou Plomeur ; c’est Donatien Gloaguen dit Dodone qui le forma à la pâtisserie et lui confia ses recettes. A ces activités viendront bientôt s’ajouter un bar et même un salon de thé. (5)
Près du n°219
Ancien puits.
Ce puits, condamné au moins depuis les années 1940, était le plus profond de Saint-Guénolé. Il faisait parait-il 30 mètres de profondeur !
Entre le n°249 et le n°297
A l’intersection avec la rue Pierre et Jean Dupouy, il y avait une pompe à eau.
n°297
Gloaguen [1967 – après 1980]
Daniel Gloaguen
Peintre, droguerie. Il commença dans un atelier attaché à la maison de sa belle-mère, puis il fit construire en face (n°280).
n° 307
Nédélec [ août 1933 – fin des années 1950]
Edouard Nédélec (1908-1987)
Edouard Nédélec fut d’abord couvreur et aussi peintre : il avait des bacs à chaux dans sa carrière, derrière la maison. Il employait plusieurs ouvriers. Il exerça par la suite divers autres métiers, en particulier marchand de fruits ambulant, il a aussi tenu une attraction de casse-boîtes à Pors Carn.
La photo aérienne IGN de 1923 montre que sa carrière existait déjà à l’époque, contrairement à sa voisine de l’autre côté de la route.
n°351
Souron [1926-après 1980]
Marie Anne Bargain (1885-1961) épouse (1906) de François Souron (1880-1910)
Veuve de François Souron, péri en mer en 1910, Marie Anne Bargain créa ce débit de boisson épicerie en janvier 1926.
Puis :
Alice Jégou (1917-1992) épouse (1945) d’Albert Souron (1910-1971, fils de Marie Anne Bargain) à partir de janvier 1952. L’établissement proposait un jeu de boules, attraction peu courante à Saint-Guénolé.
n°399
Tanter [années 1920 – années 1950]
Alain Tanter (1895-1966)
Menuisier. Alain Tanter quitta Saint-Guénolé vers la fin des années 1950.
(1) Liorzh, pl. liorzhoù = courtil.
(2) Les photos proviennent de Google street, sauf indication contraire.
(3) Archives municipales, registre des délibérations du conseil municipal.
(4) Le commerce a officiellement cessé son activité en septembre 1950 (date de la radiation du registre du commerce, 1631 W 30), mais selon Mouez Penmarc’h il n’a fermé qu’en 1955, à la mort de Marcel Queffélec.
(5) Un article sur la boulangerie Kerouédan est paru dans la revue Micheriou Koz, hiver 2011.
Cette histoire de la rue Michel Le Gars a été conçue grâce à de nombreuses sources :
- les archives départementales : recensements, registres du commerce (séries 1631 W et U Supplément), cadastre, état-civil…
- les archives municipales de Penmarc’h : registres de délibérations du conseil municipal
- la presse locale.
- Le site « Remonter le temps » de l’IGN pour les anciennes photos aériennes.
- les souvenirs de quelques « anciens », en particulier Joël Stéphan, Martine Kerouédan, Jean Loch, Marie-Thérèse Cadiou et quelques autres que je remercie encore vivement.
- le Centre généalogique du Finistère https://cgf.bzh/
- Cette histoire est encore incomplète et comporte sans doute quelques erreurs, j’en suis bien conscient, mais je continue à explorer les archives pour l’améliorer et je compte aussi sur les commentaires des lecteurs pour l’enrichir. D’autre part je suis toujours à la recherche de photos ou de documents sur les commerçants et les magasins.
NB : les petites photos placées sous les numéros de rue proviennent de Google street view.