Abri de l’Ile fougère
La station de Saint-Guénolé était la troisième station créée en Pays bigouden. Elle fut construite par l’entreprise François Larzul de Plonéour Lanvern, à l’Ile Fougère, au bord de la grève, à l’est du port.
« La maison-abri de 12,75m x 5,80m, a été construite aux frais des Ponts et Chaussées, sur un terrain de 405 mètres carrés à nous vendu par la commune de Penmarc’h au prix de 202,50f le 4 juillet 1889 ; cette maison-abri nous a été remise officiellement le 13 janvier 1890. Son orientation, parallèle au rivage, est fâcheuse ; cela rend plus pénible la manœuvre du lancement, qui se fait en pleine plage sablonneuse. (1)»
Cette station ne connut qu’un seul bateau : le fameux « Maman Poydenot », canot en bois de 10,10 m. J’ai retrouvé le récit du départ d’une de ses interventions au début du siècle dernier :
» Les portes de son abri ouvertes, apparaît le grand canot blanc cambré comme un cygne sur son chariot aux roues ferrées. Debout sur le caisson à air, le patron, un athlète, à mufle de lion, ordonne la manœuvre. Autour de lui les hommes se disputent les ceintures de sauvetage qui leur donnent le droit de risquer leur vie en cette sortie. Ceux qui n’en peuvent obtenir, car tous voudraient partir, sacrent, mécontents. La population : femmes, enfants, retraités, halent le cartahu, ce cordage énorme qui permet de remorquer le chariot, support du canot. La foule hurle en cadence pour arriver à traîner le lourd appareil. Enfin l’embarcation bascule dans le port et flotte. Les sauveteurs se jettent alors tous à la mer avec de l’eau jusqu’à la taille, souffletés par les houles. Empoignant les bordages, intrépides et lestes, ils font un rétablissement et retombent à leurs bancs où ils s’attachent aussitôt les cuisses avec des courroies.
– Parés? interroge le patron debout à l’arrière.
Toutes les têtes se baissent.
Alors le sauveteur en chef clame :
-Armez !
Toutes les rames se dressent.
Un geste de commandement encore, elles plongent au flot… (3) »
Le « Maman Poydenot » a été commandé par Louis Auffret de 1889 à 1910. 45 sorties de sauvetage, 148 personnes sauvées,
Sébastien Riou de 1910 à 1922. 21 sorties de sauvetage, 107 personnes sauvées,
Pierre Jean Bariou de 1922 à 1940,
Vincent Baltez de 1940 à 1951. 24 sorties de sauvetage, 17 personnes sauvées.
Le « Maman Poydenot » n’était plus utilisable après guerre : il avait été endommagé par les Allemands qui l’utilisèrent en 1940 pour s’entraîner au débarquement, avant de l’abandonner, couché sur le sable à Pors Carn. Ce sont des bateaux de pêche qui assurèrent les secours d’urgence dans les années 1940. Le « Maman Poydenot » quitta définitivement Saint-Guénolé pour Brest le 29 juin 1951.
Abri sur le port
La station de l’Ile Fougère fut remplacée en 1952 par un nouvel abri situé à l’autre extrémité du port et équipé d’une rampe de lancement. Le 8 Janvier 1951, « le terrain sur lequel avait été édifié l’abri, et qui appartenait à la Société, [fut] vendu 112.500 francs à la Société des Abris du Marin à Quimper (4). » Sur l’emplacement de l’ancien vivier Jacob, la société lilloise Etudes et travaux commença la construction du nouvel abri du bateau de sauvetage en avril 1951. L’ inauguration eut lieu le 14 juin 1953. Selon un article paru dans le Marin, c’était sans doute le plus bel abri de canot de la Société Centrale de Sauvetage (5). Mesurant 24 m de long sur 7,50 m de large et 10 m sous plafond, il était relié au port par une passerelle de 60 m de long.
Un nouveau bateau prit la suite du « Maman Poydenot » : le « Capitaine de Vaisseau Richard ». C’était un canot de 14,20 m. équipé de 2 moteurs de 55 cv. Construit à Cannes, aux Chantiers de l’Esterel, il arriva au port le 1er juin 1952.Il resta en activité jusqu’en 1995, non sans avoir subit deux refontes, en 1974 et en 1986, passant à une motorisation de 2 x 140 cv (6).
Le « Capitaine de vaisseau Richard » fut commandé successivement par Vincent Baltez, de 1952 à 1961, François Hélias, de 1961 à 1976, Michel Durand, de 1977 à 1988 et Rolland Bodéré de 1988 à 1995. (7)
L’abri du bateau de sauvetage changea complètement d’aspect à partir de 1976. Des remblais issus du déroctage du port furent stockés sous la passerelle et sous l’abri, puis on construisit un terre-plein tout autour, ainsi qu’un quai qui entra en service en janvier 1978.
Ce second abri existe toujours, perdu sur le terre-plein, comme fossilisé. Jean-Pierre Abraham le décrivait ainsi :
« Dans le temps, l’abri du canot de sauvetage se dressait au bout d’une estacade, sa rampe de lancement plongeait tout droit dans l’eau. Maintenant il est échoué en pleine terre, clos comme une chapelle, on peut en faire le tour (8) »
Ce lieu improbable servit de décor pour le film « Là-haut » de Pierre Schoendoerffer en 2001.
Ponton
Le « Prince d’Eckmühl » canot de nouvelle génération long de 17,60 m, vitesse 22 noeuds, a succédé au « Capitaine de Vaisseau Richard » en 1995. Il ne nécessite plus d’abri en dur : il est amarré au fond du port ; il augmente ainsi fortement ses capacités d’intervention rapide.
(1) Association Papa Poydenot, musée de Saint-Pierre Penmarc’h
(2) Détail de la carte postale Le Deley n°517
(3) Géniaux, Charles .- Paysages spirituels de Bretagne…
(4) Association Papa Poydenot, musée de Saint-Pierre Penmarc’h
(5) Le Marin, 12 juin 1953
(6) Rouilleault, A. .- 1889-1989 : Saint-Guénolé Penmarc’h : cent ans de sauvetage à Saint-Guénolé Penmarc’h .- Paris : Société nationale de sauvetage en mer, 1989 .- 16 p. : ill.
(7) Certaines de ces dates sont approximatives à un an près, elles diffèrent selon les sources consultées.
(8) Abraham, Jean-Pierre .- Ici présent…