Il reste encore cinq fours à goémon à Penmarc’h, l’un d’eux se trouve sur le littoral de Saint-Guénolé : entre la rue Scrafic et l’anse du Viben. On devine aussi les traces d’un autre four à Pors Carn, à l’extrémité Est du mur défense.
Une description des fours et du pénible travail de la soude figure sur le site « Découvrir le Haut Pays Bigouden » : elle concerne Plozévet et Penhors, mais on peut penser qu’elle est en grande partie valable pour Saint-Guénolé :
« Le four à goémon est une tranchée peu profonde, à hauteur de genoux, large de 60 à 80 centimètres, long de 5 à 7 mètres, de section trapézoïdale. Le fond est tapissé de grandes pierres plates, posées sur des galets afin de ménager une circulation d’air. Les parois, également, sont revêtues de pierres appuyées sur des galets. Les espaces existants entre les dalles sont jointoyés avec de l’argile, des séparations verticales sont ensuite pratiquées tous les 50 à 60 centimètres (1). »
« Le brûlage se déroulait à la fin du mois de septembre ou octobre […] Les fours étaient allumés à l’aide de paille ou d’ajonc séché vers 7 heures du matin. Toute la journée le four était alimenté de goémon séché […] Le soir, le brûlage terminé, en attendant le démoulage des pains de soude (qui se faisait le lendemain), il était coutume de faire cuire des pommes de terre, des berniques, des oignons le tout était imprégné d’un goût iodé et constituait le repas du soir (2) !
Les pains de soude pesaient entre 60 et 80 kg, ils étaient transportés dans les usines, qui les utilisaient pour l’élaboration de produits médicaux. Il fallait 500 kg de goémon sec pour obtenir 100 kg de soude qui permettaient d’extraire 100 g d’iode.
Cette activité diminua après guerre ; concurrencée par l’iode extraite des nitrates chiliens, elle disparut totalement du littoral bigouden entre 1955 et 1960.
J’ai retrouvé une description de cette activité sous la plume d’un des plus grands écrivains du XXe siècle, Julien Gracq :
« Je n’ai jamais revu, depuis la guerre, monter au-dessus des grèves de mer de l’automne ce signal de solitude, qui était un adieu presque mystique à l’agitation et à la joie des vacances : les fumées des goémoniers du Finistère. On pratiquait alors, après les marées d’équinoxe, de longues tranchées dans le sable où on entassait le goémon d’épave sec, en prenant soin de ménager par-dessous une aération : après combustion, on recueillait les cendres riches en soude. J’observais ces travaux souvent près de Saint-Guénolé. L’industrie chimique moderne a dû depuis belle lurette liquider cet artisanat préhistorique, parti rejoindre les feux couverts des anciennes meules des charbonniers. Mais une part de la poésie de l’automne a déserté pour moi avec lui les plages d’octobre. C’était une fumée tremblée, qui montait d’abord presque transparente, comme la vibration de la chaleur sur l’asphalte des routes d’été, avant de se densifier faiblement en bouffées d’un blanc gris qui dérivait lentement dans le fil du vent au-dessus du sable. Il y avait là la paix presque souriante de l’été consumé et du rideau tombé et aussi la petite âme songeuse, menacée et pourtant opiniâtre, qui s’éveille dans tous les feux qui brûlent au bord de la mer (3).»
(1) Marino, Elodie : article non publié cité sur le site « Découvrir le Haut Pays Bigouden »
(2) Gourmelin, Jos : site « Découvrir le Haut Pays Bigouden »
(3) Gracq, Julien .- Carnets du grand chemin…