A la fin du Moyen Age la population de Saint-Guénolé diminue très fortement. Les quelques familles qui subsistent privilégient le travail de la terre. Le commerce maritime et la pêche sont abandonnés. Les inventaires après décès et autres archives notariées ne mentionnent plus de barques ou de matériel de pêche, l’activité maritime entre 1500 et 1850 se limite probablement à de la pêche à partir des rochers et à de la pêche à pied. Mais les archives dont nous disposons pour ces trois siècles et demi sont très lacunaires et ne permettent pas d’être catégorique. Car il y a bien eu quelques marins pêcheurs à Saint-Guénolé pendant cette période, j’en veux pour preuve un document de l’Amirauté de Cornouaille concernant deux naufrages de 1721 (1) : le « Donna Catherina » de Rotterdam à Pors Carn le 9 décembre et le « Neptune » de Londres à l’Ile Nonna le 21 décembre. Dans les jours et semaines qui suivent les naufrages l’Amirauté fait appel aux marins locaux pour récupérer les marchandises et sauver ce qui peut encore présenter une valeur marchande sur les épaves (mats, voiles, poulies, ancres…). Quatre chaloupes prennent part aux opérations, trois sont de Kérity ou Saint-Pierre, mais la dernière avec ses sept membres d’équipage est bien de Saint-Guénolé. Le maître de barque se nomme Guillaume Cadiou, c’est donc le plus ancien patron pêcheur attesté à Saint-Guénolé. Né vers 1691, il est le fils de Fiacre Cadiou et Marguerite Durand. Il habite d’abord Kervilon, puis à partir des années 1720 Rusent à Kerouil. Il décède le 8 janvier 1738, probablement d’une maladie infectieuse, car sa fille Marguerite meurt également le même jour.
Saint-Guénolé arme à nouveau pour la pêche de manière régulière à partir des années 1850. Jusqu’alors Saint-Guénolé servait parfois de base de repli aux marins des autres ports, en particulier à ceux de Douarnenez, mais désormais on compte à nouveau trois barques au port (2). Qui sont ces nouveaux marins ? Ce sont encore des marins paysans qui ne sortent pas en hiver ou qui peuvent abandonner la pêche pendant plusieurs années dès que la conjoncture devient défavorable.
En m’appuyant sur l’état civil, les recensements, les actes notariés et les archives du juge de paix de Pont-l’Abbé, j’ai pu retrouver les premiers marins de Saint-Guénolé au 19e siècle et reconstituer de manière fragmentaire leurs différents parcours. Ce sont des hommes murs, âgés de plus de trente ans, anciens paysans ou artisans. Ils ne se lancent pas dans cette aventure sans un minimum de connaissances ; on constate qu’ils ont presque tous, peut-être même tous, un proche qui pratique déjà la pêche, à Kérity ou ailleurs.
Les frères Le Pape viennent d’une famille établie à Saint-Guénolé depuis au moins deux générations. Sébastien (1814-1882) est l’aîné. Il est cultivateur à l’Ile Fougère et fait partie des rares habitants capables de signer. Son jeune frère Marc (1819-1853) est également cultivateur, mais à Kergarien.
A Saint-Guénolé, ce sont les premiers marins pêcheurs de l’époque contemporaine. Ils sont recensés comme marins en 1851, mais leur reconversion est toute récente, car Sébastien est encore agriculteur au moins jusqu’en février 1849, et Marc au moins jusqu’en juillet 1850. Cette première expérience n’est sans doute pas très heureuse car Sébastien retourne à la terre les années suivantes. Est-ce un abandon complet où continue-t-il d’aller en mer quand les conditions sont favorables ? Je ne le sais pas. Quant à Marc, il doit rejoindre la Marine et trouve la mort à l’hôpital maritime de Toulon en octobre 1853. Sébastien et Marc ont un autre frère marin pêcheur, Michel, né en 1821, devenu marin dès 1845, à Lesconil puis au Guilvinec. Après avoir cultivé ses champs de l’Ile Fougère pendant quelques années, Sébastien reprend la pêche en 1859. Il va cette fois persévérer, car il est toujours considéré comme marin lorsqu’il décède en 1882.
Bernard le Cloarec est né à Kérity en 1815, il est d’abord cultivateur à Saint-Jean en 1846, puis aubergiste à Tréguennec, tisserand à Kervinigan Penmarc’h en 1852. Il devient marin, toujours à Kervinigan en 1854, avant de s’installer à Kerouil en septembre de la même année. On sait qu’il a plusieurs marins dans son entourage : son cousin Yves, marin à Kérity, et Pierre Correc, témoin de la naissance de son fils Jean-Marie en mai 56. Son acte de décès n’a jamais été établi ; il est probablement mort en mer entre avril 1859 et juin 1861.
Michel le Cloarec (1823-1868) est le fils de Marc le Cloarec, marin à Kérity. Il n’a pas de lien de parenté avec Bernard le Cloarec. Michel s’installe à Saint-Guénolé après son mariage en 1846 ; il habite d’abord Kerouil, puis l’Ile Fougère en 1851-1853 où il a un litige avec son propriétaire, car « il pleut dans son lit » (3), il revient à Kerouil à partir de 1854. Michel le Cloarec travaille longtemps comme journalier, il ne devient marin qu’à partir de 1857. Il meurt en mer à la suite d’un naufrage devant l’Ile Nonna en octobre 1868.
Les frères Le Goff, Jacques (1814-1879) et Alain (1819-1858) sont les fils d’un tisserand installé au bourg de Penmarc’h. Jacques est journalier, il habite d’abord Kerganten à Penmarc’h, puis Kerveltré en Saint-Jean. Il revient à Penmarc’h en 1851, plus précisément à la palue, au village de Kerloc’h. C’est là qu’il devient marin, en 1853 ou 1854. A la Saint-Michel de 1856, il déménage avec son épouse Marie Anne Coïc, pour venir habiter le corps de garde de Saint-Guénolé. Le corps de garde, qui appartient encore à l’armée est désaffecté, s’agit-il d’une location ou bien d’une occupation illégale ? Le lieu est inconfortable, mais présente l’avantage d’être à trois pas du quai.
Alain Le Goff est meunier à Kérity en 1849, puis tonnelier. Avec son épouse Annette Josèphe le Cloarec, il habite chez sa belle-mère. Dans la même maison on trouve aussi sa belle-sœur, dont les deux fils aînés sont marins. Entre mai 1856 et 1858 il quitte Kérity pour Kerouil où il devient marin pêcheur. Il n’exercera pas longtemps ce nouveau métier, car il meurt en décembre 1858.
(1) Archives départementales du Finistère, B4333. Merci à Jean Roulot de m’avoir communiqué une copie de ce document.
(2) Pichon, Jacques .- Les zones de pêche…
(3) Archives départementales du Finistère, 53 U 5 58
Merci pour ce superbe cours d’histoire locale. Installée dans la région depuis peu, j’apprécie votre travail qui me permet de mieux communier avec ce pays et cette splendide nature.
Bonjour
Merci pour votre gentil commentaire et bienvenue en Pays bigouden !
Camille Cadiou
Bonjour,
Avez-vous des informations sur la famille Maréchal ?
Mes ancêtres étaient installés à Saint-Guénolé en tant que marins pêcheurs.
En vous remerciant,
L.Maréchal
Bonjour
Il y a plusieurs familles Maréchal à Saint-Guénolé, mais elle sont arrivées au moment de l’expansion du port (pêche et conserverie), dans le dernier quart du XIXe siècle. Le recensement de 1866 sur lequel je viens de travailler ne signale pas de Maréchal.
Connaissez-vous les prénoms de vos ancêtres ?
Cordialement
C. Cadiou
Bonjour,
Mes ancêtres se nomment :
Pierre-Jean Maréchal né le 5 octobre 1905 à Penmarch et décédé en 1953 dans la commune. Il était marié à Augustine Molis.
Charles Maréchal (père de Pierre Jean) était marié à Marie Anne Le Faou.
Merci d’avance,
Bien cordialement,
L.Maréchal
Bonjour
Pierre Jean Maréchal était embarqué sur le Michel, puis sur le Notre-Dame de la Joie (sur lequel il a fait naufrage) et enfin sur l’Olonnais (où il a à nouveau fait naufrage et perdu la vie). J’ai connu la soeur d’Augustine Molis, Marie-Louise, quand j’étais petit : elle était voisine de mes grands-parents.
Bon dimanche
Camille Cadiou
Bonjour,
Merci beaucoup pour toutes ces informations.
Je cherche à connaître l’histoire de mes ancêtres et je serai ravie de pouvoir échanger davantage avec vous si vous êtes d’accord.
En vous souhaitant un bon dimanche.
LMaréchal
Bonjour
Je vous réponds en message privé.
Bonjour
Merci Camille pour ces infos.
Corentin, le fils de Marc Le Pape, mort à Toulon, a été le premier mari de mon arrière grand mère Anne Marie Tanter, épouse Jean Cosquéric. Il a été perdu dans le naufrage du premier bateau dont il était patron, le Saint Corentin, à l’entrée du port d’Audierne, le 22 octobre 1881. Ils étaient cinq à bord, dont son beau-frère Nonna Eugène Le Dréau, son jeune cousin, mousse à 13 ans, Sébastien Le Bec, et ses voisins Sébastien Coic et Henri Kervarec. Il n’y a pas eu de survivant.
Pour LMaréchal
Charles Maréchal (père de Pierre Jean) marié à Marie Anne Le Faou était le demi-frère aîné de ma grand mère Marie Louise épouse Pierre Cosquéric.
Bonnes recherches!
Cordialement
Claudine
Bonjour Claudine
J’ai le rapport de gendarmerie du naufrage du « Saint-Corentin » (1 M 501) si ça vous intéresse.
Cordialement
Camille
Bonjour Camille
J’avais trouvé les extraits de presse, et des bonnes volontés m’ont fourni les fiches matricules et le rôle d’équipage, mais je n’ai pas le rapport de gendarmerie. Je veux bien que vous me l’envoyiez. Corentin, qui avait vécu dans la misère avec sa mère, comme vous l’avez signalé dans les logements insalubres (je veux bien aussi cette plainte!), pouvait enfin espérer une vie meilleure…
Cordialement
Claudine