« Corps de garde » (1818, carte de Beautemps-Beaupré) ; « Corps de garde » (1833, 3P159 3, cadastre) Toponyme de Kerouil
Cette construction fait partie de la chaîne de surveillance des côtes mise en place par Louis XIV et poursuivie par ses successeurs. Il en existe une dizaine du Pays bigouden à Douarnenez (1). Les garde-côtes qui y faisaient leur service au 18ème siècle étaient désignés parmi les hommes de la paroisse âgés de 16 à 60 ans. Le plan du corps de garde est simple : une voûte soutient une toiture en dalles de pierre, quelques ouvertures permettent de surveiller les alentours (2).
Après la Révolution et les guerres napoléoniennes le bâtiment, qui appartenait à l’armée, semble délaissé. A partir de la fin septembre 1856 il fut loué, ou « squatté », par la famille Le Goff qui y demeura plusieurs années. Jacques Le Goff, un des premiers marins de Saint-Guénolé, avait là un domicile idéalement placé pour exercer son activité.
Le 8 juin 1870, le bâtiment fut attribué aux Douanes (3). A l’époque le mur de défense n’existait pas et la bâtisse se trouvait en première ligne à chaque tempête. Dans la nuit du 4 décembre 1896, lors du terrible raz de marée, le douanier de garde faillit d’ailleurs y laisser la vie. Louis Ogès, qui avait rencontré des témoins du raz de marée, raconte l’évènement :
« Un douanier, enfermé dans sa cabane de pierre, assista, terrifié, à toutes les scènes d’un épouvantable spectacle, éprouvant toutes les angoisses que peut éprouver un homme devant sa mort à peu près certaine. Sa porte brisée, il resta pendant plusieurs heures debout dans son lit que recouvrait la mer. Il essaya de sortir : les flots le roulèrent comme un fétu de paille. La cabane tint bon et le brave douanier en fut quitte pour une peur compréhensible ». (4)
Pendant l’Occupation, dès 1940, c’est la douane allemande, la Zollgrenzschutz, qui l’occupa. C’était un poste de surveillance des zones côtières, appelé Gast (5) (on imagine les plaisanteries chez les marins ) composé de 14 hommes et armé d’une mitrailleuse (6).
Un évènement marquant de l’histoire politique et sociale de Penmarc’h s’est produit près du corps de garde en 1932 : Le 7 août, une importante manifestation de marins y fut arrêtée par les gardes mobiles. Des heurts se produisirent à l’issue desquels les gardes mobiles furent contraints de lever le camp, impressionnés par la détermination des manifestants, en particulier des femmes de marins (7).
Auguste Dupouy signale qu’en 1890 on voyait encore deux petits menhirs à proximité du corps de garde. On les aperçoit sur un tableau du peintre belge Henri Meunier intitulé « Port de Saint-Guénolé » reproduit page 168, dans le tome 1 de « Penmarc’h qui se souvient des hommes? ».
« Poul-ty-gard » (1953, Auguste Dupouy : Souvenirs…) Toponyme nautique
Ce toponyme fait référence au corps de garde = ty-gard. On peut supposer que la mare ou l’anse ( = poull) en question se trouvait à proximité immédiate du corps de garde.
(1) Un deuxième corps de garde a été envisagé et peut-être même construit au Viben. Il est mentionné sur la Carte des côtes de Bretagne (1750-1800) conservé à la Bibliothèque nationale (site Gallica).
(2) L’Ouest de la Cornouaille dans les tourments de l’histoire .- Plogoff : Syndicat mixte Pointe du Raz – Grand site de France, sd.
(3) 2 Q 548
(4) Ogès, Louis in Le Télégramme du 12 mai 1954.
(5) Gast est un mot breton qui signifie putain.
(6) Floch, Alain .- L’occupation allemande…
(7) L’Humanité du 15 août 1932