Immatriculation : GV 270241
Construit au chantier des Charpentiers réunis à Saint-Guénolé (1), il est lancé le 26 avril 1975 (2)

Caractéristiques : chalutier thonier
Longueur : 19,40 m
Tonnage : 49,83 tx
Moteur Poyaud A12.150 de 480 cv (352 kw)
Signal distinctif : FZXT
Cale réfrigérée : 50 m3
Couleurs : pavois bleu coupé d’un liseré blanc, coque blanche
Passerelle métallique et gaillard avant.
Le « Tréoultré » est la propriété de son patron Joël Stéphan, c’est son premier bateau. Tréoultré est l’ancien nom de Penmarc’h.
Au chalut le « Tréoultré » se situe au-dessus de la moyenne du port, sauf en 1977. Sa meilleure marée de la période 1975-1980 date de mars 1980 avec 15,2 tonnes. Cette année-là il arrive presque à 100 tonnes au chalut tout en consacrant son été à la pêche au thon.

Au cours de sa carrière il a été confronté à de très grosses tempêtes. Pour Joël Stéphan, les plus effroyables ont été celle de mars 1976 et celle de décembre 1977. Le 12 mars 1976 à Jones Bank, le « Tréoultré » subit l’ouragan à proximité immédiate du « Kruguen » et du « Tamengo » de Lorient qui seront perdus corps et biens et du « Gâs de Saint-Gué » dont trois matelots seront emportés. Le 24 décembre 1977 le « Tréoultré » a failli sombrer à cause d’une énorme déferlante. Heureusement que le bateau était encore neuf et particulièrement solide. Cette nuit-là le « Gilles et Michel » d’Audierne disparaîtra dans la tempête (3 : voir extraits du compte-rendu fait par Joël Stéphan en fin d’article).
Fin 1978, le « Tréoultré » est victime d’un problème de moteur. Il est remorqué jusqu’à Douarnenez où il reste immobilisé plusieurs semaines.
Au thon, le bateau obtient de bons résultats, dépassant à de nombreuses reprises les 3000 poissons par marée. Sa meilleure marée date de juillet 1979 avec 4900 thons. En 1977 et 1978 il dépasse même les 10 000 prises dans la saison. Le « Tréoultré » est le thonier qui s’est aventuré le plus loin dans l’Atlantique : 36° de longitude ouest en août 1980, il était plus près de l’Amérique que de Saint-Guénolé !
En 1983 Joël Stéphan fait construire un nouveau bateau, en acier cette fois, le « Mercator ». En mars il vend le « Tréoultré » aux frères Gloaguen (Bruno et Didier) de Kérity. Transformé en crabier, le « Tréoultré » est alors rattaché au Guilvinec. Le navire est rapidement revendu aux frères Vinas du port du Dossen, quartier maritime de Morlaix. On le revoit encore certains étés à Saint-Guénolé pour la saison de thon. Il quitte le quartier de Morlaix en octobre 1998 pour les Antilles, où il se spécialise dans la pêche à la langouste à Cuba.
Ils ont fait partie de l’équipage : Alex Autret, Lili Boënnec, Eugène Keradennec (mécanicien), Louis Mavic (mécanicien), Georges Peres, Primot, Jacques Quiniou, Lili Talbot
(1) La quille fut construite d’un seul tenant. Elle provenait d’un chêne de Mayenne de 3m de diamètre
(2) Coût de construction : 1 100 000 F (sans le matériel de pêche)
(3)
Joël Stéphan : la tempête du 24/12/77 :
« Le 23 décembre 1979 : nous sommes en pêche a Smalls sur un plateau de 110 m de profondeur appelé « Fer à Cheval ». La mer est agitée à forte sous des vents de SSW avec une visibilité de 2 milles, la météo du soir est fortement désagréable et certains bateaux vont se mettre à l’abri à Milford Haven, d’autres à Waterford (Irlande). On décide de rester et de faire « le gros dos ». Le soir, on met à la cape, j’aperçois quelques feux aux alentours.
Le 24 décembre 1979 : minuit, le vent s’est considérablement renforcé d’WSW et souffle en tempête, il nous interdit de mettre en fuite pour rechercher des fonds plus réguliers avec moins de déferlantes. Des vacations sont organisées pour se signaler et à 1h00 du matin j’entends le patron du « Gilles et Michel » d’Audierne : il signale qu’il souhaite mettre route Sud au ralenti, ce que lui déconseillent ses collègues, car une navigation autre qu’a la cape n’est aucunement envisageable ; comme nous tous il passe sa position : 51° 10’ N et 6° 10’ W.
A 3h00, lors d’une visite à la passerelle, j’entends des collègues appeler le « Gilles et Michel » sans succès. Je prends congé pour une heure « d’allongée ». A peine ai-je mis le pied sur l’échelle de descente du poste arrière, que je suis projeté par l’arrière dans la cuisine par un choc soudain et bruyant de craquement laissant présager la cassure d’un pavois. Je retourne précipitamment dans la passerelle, l’homme de quart me précise qu’il s’est trouvé face à un mur d’eau qui s’est écrasé sur le gaillard avant, il a lui-même été plaqué contre la cloison. Immédiatement on essaie d’allumer nos projecteurs de passerelle, sans succès ; ils ont été arrachés. Seuls les feux des coursives et les débordeurs restent allumés, nous offrant une vision apocalyptique. On n’aperçoit que le haut du gaillard, tout est blanc dans cette nuit d’encre. Autour de la passerelle, on ne voit pas les chaluts sur les pavois, tout est sous l’eau. L’échelle que nous avions sur le gaillard a volé en éclat ce qui a produit ce son de cassure. Nous sommes en train de couler ! Je veux alerter les collègues de notre infortune, mais les antennes radio et Decca ont été arrachées.
C’est alors que nous sentons le bateau remonter sur les coups de houle, les huit dalots du bord chassent le trop plein et, petit à petit, il reprend une assiette normale. Cela a été si rapide que le branle-bas n’a pas eu lieu. On aperçoit dans les lumières blafardes le treuil, puis le panneau de cale sortir de l’eau tel un sous-marin qui émerge. A priori les pavois ont tenu malgré ce coffrage qui aurait pris une tournure catastrophique si une autre déferlante avait suivi. Beaucoup de chance sur cette infortune. Il n’y a aucun incident majeur à déplorer. Les antennes radio et Decca sont remises en état de fonctionner au petit matin, permettant de me signaler et d’avoir une position approximative.
La météo plus clémente permet aux navires présents d’effectuer des recherches sur la dernière position connue du « Gilles et Michel » qui n’a répondu à aucun appel depuis 1h00 du matin. En fin de matinée, le « Petit Comédien » de St Gué repêche une paire de pantoires toutes neuves correspondant à celles du « Gilles et Michel ». On retrouvera plus tard son épave près de cette position.
Je décide de mettre route terre au tout début d’après-midi. La mauvaise réception du Decca ne me permet pas de continuer la marée. Dans la nuit le temps continue de s’améliorer avec du beau temps d’WSW.
Le 25 décembre 1979 : jour de Noël, on aborde les cotes penmarchaises en fin de matinée, mais on est obligé d’attendre la marée pour pouvoir rentrer au port de Saint-Guénolé à 13h30. Nous sommes heureux de retrouver nos familles et nous omettons de leur parler de ce qui s’est passé. Le plus beau cadeau de Noël est de rentrer sains et saufs, une chance que n’auront pas les six marins du « Gilles et Michel ». Nous vendrons notre pêche le mercredi 28 décembre en réalisant une très bonne vente. »